Open royal chamber with one physogastric queen, one king, and several workers and soldiers of Macrotermes natalensis.
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Reines et rois termites : les secrets de la longévité

Les rois et les reines des termites peuvent vivre des décennies. Les reines maintiennent une fertilité presque optimale durant toute leur vie. Dans cette étude internationale, publiée dans Communications Biology, les chercheurs et chercheuses de l'iEES ont constaté que ces reproducteurs défient le vieillissement par de nombreux changements au niveau de l'expression des gènes et de leur métabolisme.

Parmi les insectes sociaux qui ont des castes spécialisées, les castes stériles telles que les ouvriers vivent souvent beaucoup moins longtemps que les reines qui se reproduisent. Les termites sont particuliers, car à côté des reines, les rois vivent également très longtemps chez de nombreuses espèces. Les reines et les rois semblent tous deux capables de ralentir le processus de vieillissement, tandis que les reines produisent de très nombreux descendants durant toute leur vie. Cela entraîne habituellement un coût de reproduction chez de nombreux organismes, mais pas chez ces termites.

Dans ce projet financé par Human Frontier Science Program, une équipe internationale composée d'une biologiste moléculaire de la régulation des sucres et des lipides (M. Vasseur-Cognet), un biologiste de terrain (W. de Beer), des bioinformaticiens (E. Bornberg-Bauer et M. Harrison), une biologiste du métabolisme adipocytaire (HS Sul), a étudié cet exemple exceptionnel de longue durée de vie reproductive en pleine santé avec l’aide d’un biologiste théoricien (T. Van Dooren).

L’équipe a utilisé comme modèle le termite hautement social, Macrotermes natalensis (Termitidae, Blattodea). Les reines de cette espèce produisent des milliers d'œufs fertiles par jour durant plusieurs dizaines d’années, alors que les ouvriers stériles ne vivent qu'un mois en moyenne. Dans ce projet, les chercheurs ont examiné les différences d'expression génique et les différences de concentrations de métabolites entre les ouvriers, les rois et les reines. La majorité des analyses a été effectuée sur le corps gras, qui est un organe de stockage des nutriments chez les insectes. Ils ont observé de multiples changements dans l'expression des gènes entre les castes et des différences dans les concentrations de métabolites. De plus, ils ont réussi à décrire à quels stades du développement de la colonie se produisent ces changements chez la reine, une fois que le roi et la reine ont établi une nouvelle colonie.

Quels mécanismes les reines et les rois utilisent-ils tous les deux pour défier le vieillissement ?

Plusieurs mécanismes moléculaires conduisant au vieillissement ont été étudiés. Ils ont constaté que ces reproducteurs utilisent simultanément plusieurs de ces mécanismes. Le fonctionnement des usines énergétiques cellulaires, les mitochondries, est optimisé et le nombre de nouvelles mitochondries est augmenté. Ils ont remarqué également que les mécanismes de réparation de l’ADN étaient significativement plus performants. Il n’y a pas d’augmentation des mécanismes de protection contre les dommages oxydatifs qui peut s’expliquer en partie par le changement de la composition lipidique des membranes qui protège des dommages de l'oxygène. Chez l'homme, une mauvaise signalisation insulinique peut entraîner un diabète ou une accumulation de mauvais lipides pour la santé. Étonnamment, ils ont constaté qu’une insuline produite dans leurs corps gras et une voie de signalisation en réponse à l'insuline sont spécifiques aux reines et aux rois, augmentent avec l'âge. Cette activation ne conduit pas pour autant à une accumulation de mauvais lipides.

Quels mécanismes sont plus spécifiques aux reines ?

Les profils d'expression des gènes et des métabolites montrent que les reines de termite sont des machines à produire des d'œufs extrêmement efficaces et que cette production intensive d'œufs n’a pas d’impact sur leur espérance de vie.

Une voiture tombe en panne lorsque l'un de ses composants est défaillant. Cette notion est bien connue car "la chaîne est aussi solide que son maillon le plus faible". Nous avons constaté que les reines et les rois d’un termite hautement social renforcent plusieurs maillons de la chaîne et que les reines s’assurent que la reproduction ne les affaiblisse pas. Cela semble vouloir dire que les ouvriers sont en fait les maillons les plus faibles qui sont destinés à encaisser tous les coups. Toutes les castes de termite se développent à partir d’un même œuf et il semble ne pas y avoir de différences génétiques entre les œufs. Cela implique que les différences entre les castes se produisent par des changements non génétiques qui ont une origine environnementale ou sociale. Comprendre comment les différences qui prolongent la durée de vie émergent et comment elles sont contrôlées, pourrait nous aider à proposer des mécanismes de contrôle du vieillissement chez l'homme.


Sarah Séité, Mark C. Harrison, David Sillam-Dussès, Roland Lupoli, Tom J. M. Van Dooren; Alain Robert, Laure-Anne Poissonnier, Arnaud Lemainque, David Renault, Sébastien Acket, Muriel Andrieu, José Viscarra, Hei Sook Sul Z. Wilhelm de Beer, Erich Bornberg-Bauer, Mireille Vasseur-Cognet. 

Lien vers le site de l'iEES (Institut d'écologie et des sciences de l'environnement de Paris)

Article publié sur le site de l'iEES

Contact

Vasseur-Cognet Mireille, iEES Paris, CR INSERM, PI HFSP