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Sonder la structure d’un canal ionique humain pour comprendre ses changements de structure

L’équipe Bioinformatique et Biophysique de l’IMPMC (Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie) a pu mettre en évidence, pour la première fois, la structure humaine d’un canal ionique dont le rôle physiologique est primordial dans la régulation de processus biologiques fondamentaux.

La plupart des processus biologiques fondamentaux sont contrôlés par des signaux électriques : le battement du cœur, la contraction musculaire, la pensée… Ces signaux sont générés par des canaux ioniques qui agissent comme des nano-interrupteurs qui permettent ou empêchent le passage des ions entrant ou sortant de la cellule humaine.

Ces canaux sont dynamiques, ils s’ouvrent et se ferment selon les besoins de la cellule ou de l’organe concerné, modifiant constamment leur structure pour faciliter le passage des ions. Plus précisément, les canaux potassiques à rectification entrante (Kir) sont des protéines membranaires intégrales qui fournissent des voies sélectives aux ions K+ à travers la membrane cellulaire autrement imperméable, le long des gradients électrochimiques. Les canaux Kir permettent le passage des ions K+ dans les deux sens et régulent diverses fonctions chez les humains, notamment la fréquence cardiaque, le tonus vasculaire, la sécrétion d'insuline, et l'équilibre salin et hydrique.

Un rôle physiologique fondamental enfin observé

Afin de comprendre le passage des ions, il est primordial de connaître très précisément la structure des protéines. Ces dernières mesurent un peu plus d’une centaine d’angström (un dix-millième de micron) et nécessitent l’utilisation du microscope extrêmement puissant Krios Titan™, de la plateforme « nanoimaging » de l’Institut Pasteur.

L’équipe a ainsi collecté environ 10 000 images et a sélectionné pas moins de 800 000 particules. L’analyse de ces images à l’IMPMC a permis d’identifier les domaines importants de cette protéine, à savoir la partie extra-cellulaire, le domaine intracellulaire, le canal au centre ainsi que le filtre sélectif qui laisse passer uniquement les ions potassium (Figure 1).  

Figure 1 : Vue latérale de la structure atomique du canal à potassium humain déterminée à l’aide de prises d’images en cryo-EM combiné à l’analyse d’images. Les caractéristiques structurales du canal sont : la partie cytoplasmique à l’intérieur de la cellule, la partie extracellulaire à l’extérieur de la cellule, les ions se déplacent au milieu de cette structure. Des ions K+ sont visibles au centre du canal (sphères verts et violettes).  La longueur de ce canal est 121 Å.

Figure 1 : Vue latérale de la structure atomique du canal à potassium humain déterminée à l’aide de prises d’images en cryo-EM combiné à l’analyse d’images. Les caractéristiques structurales du canal sont : la partie cytoplasmique à l’intérieur de la cellule, la partie extracellulaire à l’extérieur de la cellule, les ions se déplacent au milieu de cette structure. Des ions K+ sont visibles au centre du canal (sphères verts et violettes). La longueur de ce canal est 121 Å. La membrane cellulaire est délimitée par les deux barres en grisée.

De la théorie à la pratique

Si le canal est figé dans la figure 1, il est remarquablement dynamique en réalité. Il va changer de conformation pour aider le K+ à se déplacer dans le canal. Les études in silico, théoriques, effectuées à l’IMPMC ont prédit au moins deux larges changements de conformation :

  • Le premier est décrit comme un mouvement de compression et d’extension qui permet à la protéine de passer d’une longueur de 121Å à une longueur plus courte de 113Å.
  • Le deuxième est un déplacement latéral qui va permettre à la protéine de fixer un « modulateur » facilitant ainsi le passage de l’ion K+.

En scrutant tous les résultats obtenus expérimentalement par imagerie en cryo-microscopie électronique, nous avons pu identifier et valider ces différentes conformations. La figure 2 indique clairement les changements de conformation indispensables au passage de l’ion potassium au centre du canal.

Description du mouvement de compression du canal à potassium qui va aider le passage de l’ion K+ au centre de la protéine, à travers la membrane indiquée par les deux barres grises. Les flèches rouges indiquent la direction du déplacement des différentes régions de la protéine.

Figure 2 : Description du mouvement de compression du canal à potassium qui va aider le passage de l’ion K+ au centre de la protéine, à travers la membrane indiquée par les deux barres grises. Les flèches rouges indiquent la direction du déplacement des différentes régions de la protéine.

Ces travaux ont pu mettre en évidence, pour la première fois, la structure humaine du canal à potassium Kir2.1 et la dynamique permettant son ouverture et le passage des ions K+ en son centre dont le rôle physiologique est primordial.

Référence

« Cryo-electron microscopy unveils unique structural features of the human Kir2.1 channel » CAH Fernandes*, D Zuniga*, C Fagnen, V Kugler , R Scala, G Péhau-Arnaudet, R Wagner , D Perahia, S Bendahhou, and C Vénien-Bryan. Science Advances , volume 8, issue 38

Contact

Pr Catherine Vénien-Bryan

Membre de l’équipe Bioinformatique et BioPhysique (BIBIP) de l’Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie, Sorbonne Université