Cecile Tran Kiem

Cécile Tran Kiem

Doctorante en épidémiologie lauréate du Prix L’Oréal-Unesco pour les Femmes et la Science 2021

Un modèle n’est pas une boule de cristal.

Cécile Tran Kiem voulait faire de la science. Mais quelle discipline choisir ? Au gré de ses études, la jeune ingénieure s’est découvert une passion pour l’épidémiologie. Ses travaux sur l’épidémie de COVID-19 lui valent aujourd’hui d’être décorée par la prestigieuse fondation.

Quelles sont les recherches qui vous ont valu ce prix ?

Initialement, je suis arrivée à l’Institut Pasteur en octobre 2019 pour faire une thèse1 sur la modélisation de la propagation, en Europe, du moustique tigre, responsable de maladies comme la dengue, le chikungunya ou Zika. Mais au bout de six mois, la pandémie de COVID-19 a débuté et j’ai changé de sujet. Je développe maintenant des approches de modélisation mathématique et statistique pour décrire la pandémie de COVID-19 en France.

Qu’est-ce qui vous a entraînée vers l’épidémiologie ?

Au départ, je ne me prédestinais même pas à faire de la recherche. C’est le côté pluridisciplinaire de l’École Polytechnique qui m’a permis de prendre le temps de réfléchir à ce que je voulais faire. J’y ai découvert l’existence de l’épidémiologie en troisième année en cherchant des thématiques en santé qui pouvaient m’intéresser et en échangeant avec un ancien de l’école qui travaille dans ce domaine.
La modélisation, en revanche, c’est un peu un hasard parce que je ne savais pas vraiment ce que c’était. J’ai fait un stage au Conservatoire national des arts et métiers portant sur la modélisation des inégalités sociales en lien avec le VIH et l’approche m’a beaucoup plu. J’ai décidé de faire une thèse en modélisation. Mais avant de l’entamer, j’ai voulu utiliser ma quatrième année d’école d’ingénieur pour faire un master en analyse de données appliquées à la santé à l’Imperial College de Londres.

Comment qualifiez-vous votre recherche ?

Je ne définirais pas ce que je fais comme de la recherche fondamentale parce que j’utilise des outils de modélisation pour répondre à des questions très concrètes. Par exemple, au début de la pandémie de l’année 2021, il y avait peu de doses de vaccins et la question était de savoir qui vacciner en premier pour maximiser l’impact. Dans le laboratoire de l’Institut Pasteur où j’effectue ma thèse, nous avons développé des modèles pour comparer les stratégies de priorisation. Nous avons aussi réalisé un projet sur le rapport bénéfice/risque de Vaxzevria, le vaccin d’AstraZeneca. Ce sont des maths et des statistiques mais avec des applications directes en santé publique qui en sont la traduction dans le monde réel.
Et puis il y a tout l’aspect relatif à la communication des résultats. Un modèle n’est pas une boule de cristal et il faut aussi être capable d’en expliquer les résultats comme les limites d’interprétation.

Comment avez-vous reçu le prix L’Oréal-Unesco ?

Je suis heureuse de la reconnaissance conférée par ce prix qui met en lumière de jeunes femmes qui font de la recherche. J’ai surtout beaucoup apprécié la semaine passée avec les autres lauréates. Faire partie de ce groupe de femmes pleines d’énergie et de projets en tête m’a motivée.

Que diriez-vous à des jeunes femmes qui voudraient se lancer dans une carrière scientifique ?

Que les sciences sont très variées et que l’on peut en faire à tous les niveaux et dans de nombreux domaines. J’ai découvert l’épidémiologie tardivement dans mon cursus et je ne m’étais pas du tout imaginé que je pouvais y faire de la modélisation.

Et maintenant, quel est votre horizon ?

J’ai vraiment aimé l’expérience de la recherche et je ne me vois pas faire autre chose pour l’instant. Mais j’ai envie de bouger. Je cherche un post-doc à l’étranger, toujours en modélisation des maladies infectieuses, et j’aimerais bien y incorporer un aspect évolutif que je ne fais pas aujourd’hui. Ce serait une approche complémentaire, avec des données qui permettent de dire autre chose que les données de surveillance épidémiologique. C’est aussi l’occasion d’apprendre de nouvelles choses.
Après, me projeter au-delà de la thèse, j’écouterai ce dont j’ai envie. Je sais que l’on peut changer d’avis mais c’est clairement de la recherche pour le moment.

Crédits photo : Jean-Charles Caslot

1 Thèse en préparation à Sorbonne Université