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OBEPINE : un observatoire unique pour surveiller la circulation du SARS-CoV2 dans les eaux usées

Bien que présent à des niveaux très bas, le SARS-CoV2 - agent étiologique de la COVID-19 - circule encore activement en France métropolitaine.

La situation mondiale laisse quant à elle apparaître des dynamiques très hétérogènes qui reflètent autant les conditions de dissémination du virus que la disparité des réponses sanitaires et politiques qui ont été mises en place.

En l'absence d’un traitement efficace - utilisable à grande échelle - et dans l’attente de vaccins qui pourraient au mieux être disponibles dans le courant de l’année 2021, l’application des mesures barrières, individuelles ou collectives, reste la meilleure stratégie pour réduire l’impact de l’épidémie sur les populations.

Plusieurs indicateurs permettent d’évaluer le niveau de circulation du virus dans les populations. Les données cliniques (nombre d’hospitalisations, de décès directement imputables à la COVID-19), au plus près des enjeux sanitaires, restent essentielles pour anticiper la réponse d’un système de santé déjà très éprouvé par la crise que nous venons de traverser. En revanche, elles ne reflètent qu’imparfaitement le nombre de porteurs du virus : la majorité d’entre eux manifeste des signes cliniques très faibles à modérés, et la maladie reste difficile à détecter en raison de signes non-spécifiques le plus souvent. Dans ce contexte, les cas cliniques, s’ils devaient ré-augmenter, signifieraient surtout que le virus a atteint à nouveau les sujets fragiles, les plus âgés et/ou ceux qui présentent des facteurs de comorbidité.

En France, les stratégies de dépistage massif et répété ont été longtemps écartées pour favoriser une approche plus ciblée basée principalement sur une surveillance syndromique (recherche du virus chez les patients potentiels, recherche chez les cas contacts) qui exclue la plupart des porteurs pré-symptomatiques ou peu symptomatiques. Toutefois, il est indispensable, dans une période où les signes de relâchement sont visibles et en prévision des grandes migrations estivales - éventuellement vers des régions qui ont été très peu touchées par la première vague - de rester particulièrement vigilants. Il faut notamment exploiter tous les indicateurs qui permettraient d’anticiper un rebond de l’épidémie.

La quantification virus dans les eaux usées traduit la dynamique de la circulation virale dans les populations

Le SARS-CoV2 se multiplie dans les voies respiratoires mais également dans le tube digestif où les concentrations virales sont parfois très importantes. Cette observation a conduit plusieurs équipes à travers le monde à rechercher le génome du virus dans les eaux usées prélevées dans les stations d’épurations (STEP). Le laboratoire Eau de Paris, en collaboration avec des équipes de Sorbonne Université (Yvon Maday Professeur Sorbonne Université au Laboratoire Jacques-Louis Lions (LJLL, Sorbonne Université/Université de Paris/CNRS) et à l’Institut Universitaire de France; Jean-Marie Mouchel Professeur Sorbonne Université à Metis (Sorbonne Université/CNRS/EPHE); Vincent Maréchal, Professeur Sorbonne Université au Centre de Recherche Saint-Antoine (CRSA, Sorbonne Université/Inserm)) ont été les premiers à démontrer que la quantification du génome viral dans les eaux usées accompagnait l’évolution du nombre de cas confirmés de COVID-19 en région parisienne, une analyse conduite dans plusieurs STEP gérées par le SIAAP (Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne).

Cette étude démontre également pour la première fois – indépendamment du recensement des cas cliniques, mais en cohérence avec celui-ci, que le confinement a réduit la circulation du virus. L’absence d’échantillons antérieurs au 5 mars à Paris n’a pas permis d’évaluer le caractère prédictif de la charge virale en eaux usées, mais cet élément essentiel a été confirmé dans deux études récentes. La première, conduite à Barcelone, démontre que le virus était présent dans les eaux usées 41 jours avant la détection du premier cas autochtone de COVID.  Une étude italienne suggère quant à elle que l’ARN du SARS-Cov-2 était présent dans les eaux usées de Milan, Turin (18 décembre 2019) et Bologne (29 janvier 2020) bien avant que ne soit décrit le premier cas italien (20 février 2020).

OBEPINE : vers la création d’un réseau national de surveillance des eaux usées

Le réseau OBEPINE (OBservatoire EPIdémiologique daNs les Eaux usées) – soutenu par le Comité Analyse Recherche et Expertise (CARE) mis en place par le Président Macron – a été fondé par des chercheurs et enseignants chercheurs d’Eau de Paris, de Sorbonne Université et de l’Institut de Recherche Biomédicale des Armées (IRBA). Il a été rejoint par des partenaires de l’Université de Lorraine, de l’Université de Clermont-Auvergne et de l’IFREMER.

Ses objectifs sont simples : mettre en place, à l’échelle nationale, un réseau de surveillance épidémiologique des eaux usées. Ce réseau, créé dans le cadre de l’épidémie de COVID-19, pourrait devenir pérenne et prouver son intérêt dans le suivi de tous les agents infectieux à tropisme entérique (grippe, gastro-entérites, bactéries résistantes aux antibiotiques, ou parasites). Dans le cadre de la COVID-19, la typologie et la répartition territoriale des STEP permettraient – dans ce dispositif unique – de déployer un réseau sentinelles qui s’intéresse autant aux grandes agglomérations qu’aux petites communes. Couplées à des plateformes techniques auxquelles OBEPINE fournit des protocoles standardisés, les STEP sentinelles assureraient un suivi de charge virale au long-court. Les résultats, centralisés sur une plateforme qui pourrait être portée par Sorbonne Université, permettraient — en temps réel — de piloter un réseau de surveillance et d’alerte indispensable à la mise en place d’une surveillance de terrain accrue, en cohérence avec des données pertinentes incluant en particulier les données météorologiques et les mouvements des populations.

La coordination des actions menées auprès des agences de l’eau, des opérateurs publics et privés en charge des STEP, des collectivités et des ministères concernés devraient aboutir à mettre sous surveillance une centaine de STEP au cours de l’été, notamment en prévision d’un retour du virus en période hivernale. La pertinence de cette approche a été soulignée par l’Académie des Technologies, l’Académie des Sciences et l’Académie Nationale de Médecine. Par ailleurs, le comité de pilotage d’OBEPINE a été officiellement chargée – à travers une lettre de mission Madame Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation – de coordonner le déploiement du réseau national sur 150 STEP et de centraliser les résultats de façon sécurisée afin de les mettre à la disposition de l'Etat dans l'objectif de coordonner leur exploitation et leur mise à disposition dans le cadre d'un plan de surveillance sanitaire intégré.

OBEPINE porte par ailleurs plusieurs autres projets visant à évaluer l’infectiosité du virus dans les selles des patients, les eaux usées, les boues des stations d’épuration et les eaux de surface, autant de questions qui restent essentielles à traiter pour une évaluation globale du risque sanitaire.

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