Alfred Vidal-Madjar : une carrière riche en découvertes
Fin 2022, des chercheurs et chercheuses de laboratoires européens, dont des étudiantes et étudiants qu’il a formés, se sont réunis pour célébrer les 80 ans d’Alfred Vidal-Madjar, chercheur émérite de l’Institut d’astrophysique de Paris. Lors de cette célébration, de nombreuses personnes se sont exprimées pour saluer la carrière remarquable de ce chercheur qui a marqué l’astrophysique française, des expériences pionnières de l’exploration spatiale au début des années 1970 jusqu’aux observations des exoplanètes avec les instruments les plus puissants des années 2020.
Alfred Vidal-Madjar a commencé ses recherches sous la direction de Jacques-Emile Blamont avec les premières observations spatiales de la haute atmosphère de la Terre, à l’aide de la raie de Lyman-alpha solaire de l’hydrogène dans l’ultraviolet lointain mesurée avec une expérience embarquée, à bord du satellite OSO 5 (du programme Orbiting Solar Observatory) lancé en 1969. Puis sachant que cette fameuse raie Lyman-alpha existait aussi pour l’isotope lourd de l’hydrogène formé lors du Big Bang, le deutérium, Alfred Vidal-Madjar proposa de l’observer dans le milieu interstellaire, à l’aide du satellite Copernicus.
Le deutérium étant un traceur de la densité baryonique de l’Univers et de l’évolution chimique des galaxies, lorsque Alfred Vidal-Madjar rejoignit l’IAP, à l’invitation de son directeur d’alors, Jean Audouze, il mena, en interaction forte avec ce dernier de nombreuses campagnes d’observations pour mesurer l’abondance du deutérium qui, complexité supplémentaire, semble être inhomogène.
Un autre élément léger, le lithium, dont l'abondance et le rapport isotopique représentent d’autres indicateurs de la nucléosynthèse primordiale et de l'évolution stellaire, a également fait l'objet d'importantes campagnes d'observations au sol à très haute résolution spectrale, menées avec Martin Lemoine pour diversifier la recherche observationnelle dans ce domaine associé à l’évaluation du contenu en baryons de l’Univers.
La question du deutérium est devenue un des objectifs majeurs de la mission spatiale FUSE (Far Ultraviolet Spectroscopic Explorer), mise au point par la NASA en collaboration avec l’agence spatiale française, le CNES et l’agence spatiale canadienne, la CSA. FUSE fut lancé le 24 juin 1999 et grâce à la forte participation du CNES à la mise au point des réseaux holographiques, un savoir-faire unique en France de la Société Jobin-Yvon, Alfred Vidal-Madjar fut naturellement désigné co-investigateur français de la mission.
Durant sa carrière, Alfred Vidal-Madjar a formé de nombreux jeunes scientifiques, dont beaucoup ont par la suite créé de nouvelles équipes de recherche, encadrant à leur tour de nouvelles générations d'astronomes. Il a également assuré un intérim à la direction de l'Institut d'astrophysique de Paris en 1989-1990, co-organisé plusieurs colloques internationaux à l'IAP et ailleurs, écrit plusieurs livres de vulgarisation scientifique, donné de nombreuses conférences publiques, et enseigné à l'École Polytechnique.
C'est en échangeant avec un autre professeur de cette école prestigieuse, Michel Spiro, qu'est née l'expérience EROS qui visait à rechercher la matière noire située dans la Voie Lactée par effet de microlentille gravitationnelle30, une puissante méthode mise en œuvre par la première grande collaboration entre physiciens des particules et astrophysiciens, dont le premier événement mondial à être détecté fut publié en 1993. Cette technique fut par la suite utilisée pour détecter des exoplanètes, et continue à l’être, par des collaborations semblables aux deux originales, EROS (Expérience pour la Recherche d'Objets Sombres) et MACHO (Massive Compact Halo Objects), telles que OGLE (Optical Gravitational Lensing Experiment), MOA (Microlensing Observations in Astrophysics), PLANET (Probing Lensing Anomaly NETwork), Omega (Observing Microlensing Events of the Galaxy Automatically), et plus récemment PRIME (PRime-focus Infrared Microlensing Experiment).
La richesse de la carrière d'Alfred Vidal-Madjar lui a valu de recevoir plusieurs prix, notamment la Médaille d'Argent du CNRS en 1988, et le Prix Ampère de l'Académie des sciences en 2007.
Contact
Alain Lecavelier des Etangs
Institut d’astrophysique de Paris, CNRS, Sorbonne Université