Le concept de cet artiste montre la planète 2003UB313 aux confins extérieurs solitaires de notre système solaire. Notre Soleil est visible au loin. La nouvelle planète, qui n'a pas encore été officiellement nommée, est au moins aussi grande que Pluton et environ trois fois plus éloignée du Soleil que Pluton. Il fait très froid et sombre.

Chaos dans le Système Solaire : évidence géologique dans le sud-est de la France

L’analyse sédimentaire d’une série d’âge Crétacé, il y a 113-123 millions d’années, dans le Sud-Est de la France a permis de détecter une caractéristique évidente de l’enregistrement du mouvement chaotique des orbites des planètes internes. Nos observations géologiques confirment ainsi l’hypothèse émise depuis longtemps par les astronomes sur le chaos dans le système solaire interne.

Les planètes du système solaire décrivent des orbites elliptiques bien précises autour du Soleil. Selon la loi d’attraction universelle de Newton, une planète qui gravite autour d’une étoile comme le Soleil reste perpétuellement sur son orbite fixe à cause de son apparente unique interaction avec cette étoile. Or, le système solaire est composé de plusieurs planètes qui interagissent entre elles et avec le Soleil, résultants de perturbations quasi-périodiques dans le mouvement de leurs orbites.

Selon la loi de gravitation, ces interactions mutuelles peuvent aussi induire le déplacement des orbites planétaires, jusqu’à une éventuelle collision entre planètes. Heureusement ce phénomène, appelé chaos dans le système solaire (Laskar, 1989), n’a de risque de se produire que dans plusieurs milliards d’années (Laskar et Gastineau, 2009).

Une des expressions de cette instabilité dans le système solaire est la mise en évidence dans les modèles astronomiques de plusieurs termes résonants, c’est à dire de relations linéaires entre des périodicités orbitales des planètes internes*. À cause du chaos, ces cyclicités orbitales présentes dans les termes résonants subissent des variations dans leurs périodicités, mais sur une échelle de temps de plusieurs dizaines de millions d’années (Ma), telle que l’échelle géologique.

Or, ces périodicités orbitales régissent les variations de l’insolation** à long terme qui contrôlent le climat terrestre, et sont enregistrées dans les séries sédimentaires tout au long des temps géologiques. Il est ainsi possible de repérer dans le registre sédimentaire le moment de transition de termes résonants via la détection des périodicités orbitales associées. Cette information, rarement obtenue, est cruciale pour l’établissement de modèles astronomiques fiables sur une longue durée, car un des principaux obstacles de la modélisation astronomique résulte de notre méconnaissance du chaos dans le passé géologique lointain.

À travers un enregistrement sédimentaire exceptionnel de périodicités astronomiques de différentes fréquences sur un affleurement du Sud-Est de la France daté du Crétacé supérieur sur l’intervalle ~113–123 Ma (Fig. 1), notre étude a clairement mis en évidence une transition vers 117 Ma dans un des termes résonants identifiés par les astronomes. Cette étude confirme non seulement le chaos dans le système solaire interne, mais aussi la forte instabilité de l’orbite de la planète Mercure (Lithwick and Wu, 2011).

Parallèlement aux résultats géologiques nos analyses des modèles astronomiques révèlent également une transition concomitante à environ 117 Ma dans plusieurs termes résonants, suggérant ainsi un fort chaos couplant toutes les planètes internes.

Nos résultats montrent le fort potentiel des archives géologiques pour confirmer l’existence des instabilités dans le système solaire, hypothèse émise depuis plusieurs siècles et prouvée récemment par des modèles théoriques numériques.


Références citées :
Laskar, J., 1989. A numerical experiment on the chaotic behaviour of the Solar System. Nature 338, 237–238.
Laskar, J., Gastineau, M., 2009. Existence of collisional trajectories of Mercury, Mars, and Venus with the Earth. Nature 459, 817–819.
Lithwick, Y., Wu, Y., 2011. Theory of secular chaos and Mercury’s orbit. Astrophys Journal 739, 31.


Notes :
* Les planètes internes du système solaire (Mercure, Vénus, La Terre et Mars) sont les plus concernées par le phénomène de chaos à cause de leurs relatives faibles masses.
** L’insolation est la quantité de rayonnement solaire incident à la surface de la Terre, qui régit le climat terrestre sur des temps très longs.

 

Contact

Slah Boulila

Institut des Sciences de la Terre-Paris (ISTEP, UMR 7193)