COP 27 : un bilan en demi-teinte
À l'occasion de la journée mondiale du climat, le physicien Davide Faranda, rattaché à l'Institut de la transition environnementale de Sorbonne Université, revient sur le bilan mitigé de la COP 27 qui s'est tenue à Charm el-Cheikh en Égypte.
Sur quoi portent vos recherches au sein de l'Institut de la transition environnementale ?
Davide Faranda : Je regarde si les changements climatiques augmentent la fréquentation et l'intensité des évènements extrêmes (vagues de froid, de chaleur, orages, cyclones, etc.) et dans quelle mesure ces phénomènes impactent les réseaux énergétiques. Si nous allons vers une transition énergétique accordant une plus grande part à l'éolien et au photovoltaïque, il est essentiel de mieux connaître les évènements extrêmes qui peuvent mettre en danger le réseau énergétique et couper la production à l'échelle nationale voire européenne. Par exemple, les orages peuvent causer des coupures électriques, les grêlons endommager les panneaux solaires, des vents à plus que 200 km bloquer les productions éoliennes, etc.
Pouvez-vous rappeler en quelques mots ce qu’est la COP, ses objectifs et ses enjeux ?
D. F. : Prévue par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992, la Conférence des Parties réunit chaque année, depuis 1995, des scientifiques, des gouvernements, des ONG et des groupes industriels. Ensemble, ils fixent les objectifs climatiques mondiaux afin de s'adapter au changement climatique et réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Notons que les projections faites il y a 30 ans par les scientifiques, au moment de la création de la COP, correspondent bien à ce que l’on observe aujourd'hui : un réchauffement global de 1,2-1,3°C en raison des gaz à effet de serre et déjà 1,6°C sur la France.
Pouvez-vous revenir sur la question des pertes et des dommages qui a été au cœur de cette COP 27 ?
D. F. : Cette année, l’enjeu principal de la COP a été celui du déséquilibre entre les pays du Nord et ceux du Sud, un déséquilibre pointé notamment par le dernier rapport du GIEC qui met en avant les vulnérabilités des pays du Sud par rapport au changement climatique. L’un des objectifs de cette COP 27 était donc de trouver un accord Nord-Sud pour essayer d'aider les pays plus pauvres à faire leur transition écologique.
Situés dans des zones tropicales et subtropicales, les pays du Sud (Afrique, Amérique centrale, Amérique du Sud, îles du Pacifique, de l'Atlantique et de l'Océan indien) sont les premières victimes du changement climatique. Dans ces endroits qui sont les plus chauds du globe, les phénomènes extrêmes de désertification ou de précipitations sont déjà présents. Avec le changement climatique, ils risquent de s’accentuer et de rendre ces endroits complètement hostiles à la vie humaine.
Or des milliards de personnes vivent dans ces écosystèmes fragiles, notamment autour du Nil en Afrique, du Gange en Inde, des rios au Brésil, etc. Il est donc difficile d’adapter ces écosystèmes énormes au changement climatique. Cela demande des investissements colossaux pour les préserver et modifier certaines infrastructures en construisant par exemple des bassins artificiels, qui peuvent canaliser l’eau s'il pleut, en déplaçant certaines routes ou villes, en faisant des barrages contre la montée des eaux, etc.
Les mesures prises durant cette COP par rapport à cet enjeu vous semblent-elles suffisantes ?
D. F. : Pour essayer de résoudre ce problème, les membres de la COP 27 ont réussi in extremis à trouver un accord permettant de dédommager les pays les plus pauvres des dégâts irréversibles liés aux catastrophes climatiques. Il s’agit en réalité d’un texte assez flou, un simple accord de principe dont les modalités, les contributeurs et les mécanismes de financement restent à préciser. Les montants évoqués lors de cette COP sont loin d’être suffisants puisqu’il faudrait, selon l’estimation de plusieurs ONG, 600 milliards d'euros. Or seules quelques centaines de millions d'euros ont été mises sur la table, soit moins que le coût d’un porte-avion.
Le Président Emmanuel Macron a décidé de faire un meeting à Paris avant la prochaine COP pour rendre ces fonds opérationnels. Nous espérons que nous aurons alors plus de détails sur les modalités de financements de ces investissements.
Le Global Carbon Project a publié un rapport dans lequel il estime que limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C d’ici à 2100 est désormais un objectif hors d’atteinte. Dites-nous en plus sur ce point qui remet en question l’un des objectifs premiers de la COP.
D. F. : Pour la communauté scientifique, l’objectif des 1,5°C sert essentiellement à alerter les consciences, mais n’est déjà plus un objectif atteignable. Les réactions suite à la sortie de ce rapport sont partagées. Pour les pays développés, l’impact de l’échec à réussir à contenir le réchauffement climatique à + 1,5°C est relatif et limité. En revanche, pour les pays insulaires comme les Maldives, les îles Fidji, la Polynésie française et bien d’autres, l’augmentation continue de la montée des eaux et de la fonte des glaces dans les prochaines décennies est dramatique.
Globalement, quel bilan tirez-vous de cette COP 27 ?
D. F. : En tant que scientifiques, nous ne sommes pas très enthousiastes par rapport au résultat de cette COP. Certes, c’est une bonne chose de trouver un accord concernant la question des pertes et dommages des pays du Nord vis-à-vis de ceux du Sud. Mais, malgré quelques annonces de dons, aucun mécanisme de financement à l’échelle mondiale n’a pour le moment été voté et il ne s'agit que d'un accord de principe. Or nous savons pertinemment que lorsqu’un accord n’est pas contraignant ni chiffré, il n’est généralement pas respecté.
Par ailleurs, même s’il y a un volet sur les nouvelles sources d'énergie renouvelables, il n’y a eu, durant cette COP, aucune avancée sur la réduction des émissions de CO2 de la part de la communauté internationale. Et plusieurs pays, comme l’Arabie saoudite et la Chine, ont même essayé de supprimer la mention de l’objectif de l’Accord de Paris de 1,5°C, jugé trop contraignant.
L’autre échec de la COP 27 concerne la suppression progressive des énergies fossiles. Aucune mention n’est faite sur la réduction de l’utilisation du pétrole ou du gaz, pourtant responsables des augmentations de CO2. Le texte mentionne seulement que les pays s’engagent à accélérer la réduction de l’utilisation du charbon et la sortie des subventions inefficaces aux énergies fossiles.
Enfin, la prochaine COP se déroulera dans les Émirats arabes unis et portera sur la captation du CO2. Or les technologies de géo-ingénierie pour capter le dioxyde de carbone ne sont encore qu’au stade expérimental. Les utiliser pour réduire les émissions de gaz à effet de serre reviendrait à appliquer, pour une maladie grave, des soins qui n'ont jamais été validés cliniquement et peuvent donner des effets secondaires importants. Nous avons donc peu d’espoir quant aux mesures qui seront prises durant la COP 28.
Davide Faranda
Spécialiste de la physique de l'atmosphère et de la météorologie, Davide Faranda s’est plus particulièrement intéressé aux événements climatiques extrêmes et aux relations qu’ils entretiennent avec les changements climatiques et les gaz à effet de serre. Après un doctorat en sciences de la Terre soutenu à Hambourg en 2013, il rejoint le laboratoire de sciences du climat et de l'environnement avant d’obtenir un poste au CNRS en 2015. Il est aujourd'hui rattaché au Laboratoire de météorologie dynamique (LMD-IPSL) et à l'Institut de la transition environnementale (ITE) où il utilise les outils de la physique de l'atmosphère et des mathématiques pour modéliser des systèmes complexes, comme le climat ou la transition énergétique.