Covid-19. Des robots pour maintenir les liens entre les patients et leurs familles et soutenir le personnel soignant
Depuis un mois et demi, l’épidémie de Covid-19 et les mesures de distanciation physiques ont très fortement restreint les contacts entre les patients, hospitalisés pour une durée parfois longue et leurs proches, rendant les visites exceptionnelles sinon impossibles.
Afin de permettre aux malades et aux familles de rester en contact, mais aussi de soutenir le personnel soignant, le professeur Alexandre Duguet (services de pneumologie et de réanimation à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière) a sollicité, le 18 mars dernier, l’aide de l’Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique (ISIR) à Sorbonne Université. « En l’espace de dix jours à peine, les chercheuses et chercheurs de l’ISIR, au premier rang desquels ceux de l’équipe PIRoS [perception, interaction et robotique sociales] dirigée par Mohamed Chetouani, ont répondu en mettant sur pied une expérience grandeur nature de télé-visite et d’assistance en zone hospitalière avec des robots » raconte Guillaume Morel, directeur de l’ISIR.
Grâce à des collaborations déjà existantes avec la société SoftBank Robotics, les chercheurs de l’ISIR, au sein d’une équipe pluridisciplinaire composée de médecins, psychologues et sociologues, ont rapidement su adapter les programmes du robot humanoïde Pepper [développé par SoftBank Robotics, NDLR] pour le déployer au sein du service de pneumologie de la Pitié-Salpêtrière. Haut d’un mètre vingt, ce petit robot doté de deux yeux et d’une bouche dispose d’un écran permettant aux familles de télé-visiter leurs proches hospistalisés. « Actuellement, le service de pneumologie de la Pitié-Salpêtrière dispose de trois robots Pepper. Ce système de télé-visite est intéressant car il permet de garder une forme d’intimité, tout en autorisant des échanges assez longs car le robot, lui, n’attrape pas le Covid-19. Les retours des familles sont excellents et très émouvants. Le personnel soignant est quant à lui curieux, enthousiaste et soulagé de voir que nous mettons en place cette solution technique qui, outre les visio-conférences, permet de leur transmettre des nouvelles positives alors que les conditions de travail sont éprouvantes. Ils se sentent soutenus, cela joue sur leur moral » explique le professeur Duguet.
Si l’expérience a démarré avec le robot Pepper, qui nécessite une présence humaine pour déplacer son écran et ainsi, le champ de vision à distance, les ingénieurs de l’ISIR travaillent à l’élaboration d’un système plus simple et moins onéreux pour renforcer le sentiment de télé-présence auprès du malade et éviter de solliciter les équipes sur place. Un autre robot baptisé Salt a ainsi vu le jour, conçu simplement à partir d’un chariot, d’un écran et d’une caméra, équipée de deux petits moteurs qui rendent la visioconférence plus dynamique en permettant aux familles de naviguer dans la chambre du patient. « Après la mise au point de ce prototype par les équipes techniques, les chercheurs de l’ISIR interviennent en seconde ligne. Ils accompagnent la conception du dispositif et son utilisation, s’assurent de l’aspect éthique de la démarche et recueillent les avis des familles et du personnel hospitalier pour évaluer l’expérience et l’améliorer » précise Guillaume Morel. Grâce à un très grand écran et une excellente qualité audio, Salt semble plus adapté aux environnements bruyants et sous tension tels que les services de réanimation alors que Pepper conviendrait davantage aux patients du service de pneumologie. Une vingtaine de télé-visites ont pour l’heure été effectuées, intégrant chaque fois les retours d’expérience. L’ISIR travaille à la fabrication de huit nouveaux prototypes de Salt, en réfléchissant à une interface pour simplifier la mise en relation avec les familles sans mobiliser les soignants.
« Nous souhaiterions généraliser cette expérience dans tous les services de soins intensifs AP-HP-Sorbonne Université, ce qui pourrait être envisageable dans des délais assez courts de l’ordre de quelques semaines. Les équipes travaillent notamment sur des fonctionnalités de Pepper qui pourraient permettre d’orienter les visiteurs en leur expliquant les précautions à prendre en zone Covid+ et ainsi, soulager le personnel hospitalier » conclue le professeur Duguet. De son côté, l’ISIR envisage de faire de l’assistanat à l’hôpital par les robots, l’un de ses futurs projets fédérateurs.
Le projet « Télé-visite et robotique d’assistance en zone hospitalière COVID+ » a été retenu dans le cadre de l’appel à propositions (AAP) lancé par les facultés de Médecine et Sciences et Ingénierie de Sorbonne Université et est destiné à aider au démarrage ou au soutien de projets pilotés par une équipe de recherche dans l’attente des réponses aux différents appels d’offres publiés sur la thématique de la lutte contre le Covid-19.