Covid-19. Lutter contre les fake news en santé
En cette période de crise du Covid-19, une équipe de recherche pluridisciplinaire en intelligence artificielle et en sciences de l’information et de la communication à Sorbonne Université s’est alliée à la start up Kap Code, spécialisée dans l’innovation en santé, pour détecter les fake news sur Twitter.
Origine, modes de transmission, symptômes, pistes thérapeutiques, immunité contre le virus… La crise sanitaire que nous traversons depuis plusieurs mois suscite encore autant d'inquiétudes que de fantasmes. Durant le confinement, des chercheurs de l’institut SCAI (Sorbonne Center for Artificial Intelligence) et du CELSA Sorbonne Université se sont interrogés sur la façon dont les informations erronées à propos du Covid-19 circulaient au sein des équipes universitaires. « Après avoir croisé les possibilités offertes par l’intelligence artificielle et les sciences de l’information et de la communication, nous avons initié une discussion avec la société Kap Code sur l’analyse d’informations relayées sur les réseaux sociaux autour du Covid-19 », raconte Xavier Fresquet, directeur adjoint de SCAI.
La proposition qui en résulte s’intègre et complète la plateforme collaborative Epilogue, lancée plus en amont par Kap Code pour centraliser les données épidémiologiques relatives au Covid-19. L’enjeu principal de ce nouveau projet de recherche est l’identification et la caractérisation des fake news sur le coronavirus. Cette caractérisation porte sur leur sujet, le type de désinformation qu’elles comportent, leurs modes, vitesses et réseaux de diffusion. Pour ce faire, les partenaires ont compilé près de 200 000 tweets en France depuis le début du confinement. « Grâce à l’expertise d’analyse de réseaux et de théories de l’information du CELSA Sorbonne Université, nous devrions pouvoir modéliser les mécanismes de formation et de diffusion des fake news, soutenus par les outils de traitement automatique du langage (TAL) mis à disposition par Kap Code », explique Adel Mebarki, cofondateur et directeur général de la start up, spécialisée dans l’extraction et l’analyse de données textuelles issues des réseaux sociaux pour l’identification d’impacts médicaux exprimés par les patients.
Une crise sanitaire et informationnelle
Côté recherche, Valérie Jeanne-Perrier et Pierre-Carl Langlais, chercheurs associés à l’institut SCAI et membres du groupe de recherches interdisciplinaires sur les processus d’information et de communication (Gripic) du CELSA Sorbonne Université ont mis en commun leurs compétences pour proposer une analyse qualitative des tweets. « Mes recherches sur les formes de l’énonciation, m’aident à déterminer la façon dont l’information se présente en des formats bien spécifiques sur les réseaux sociaux pour trouver un certain nombre de publics. Avec Pierre-Carl Langlais, qui travaille sur les approches informatisées des corpus liés aux réseaux sociaux, nous tentons de catégoriser les tweets que nous auscultons ensuite, de manière à déterminer la mauvaise information au regard de leur forme », détaille Valérie Jeanne-Perrier, responsable de l’école de journalisme au CELSA Sorbonne Université.
Si le projet en est encore à ses débuts, l’objectif à plus long terme sera de fournir des axes de communication et d’action pour combattre la mésinformation pouvant subvenir lors d’une crise sanitaire. Les conclusions pourraient également permettre de créer des méthodes prédictives, capables de détecter l’émergence de nouvelles fake news lors d’éventuelles nouvelles crises sanitaires.
« La crise du Covid-19 est aussi une crise informationnelle. De mon point de vue d’enseignante, ce projet est très intéressant car il montre que l’information n’est pas uniquement le fait de médias référents mais aussi d’individus isolés, d’activistes de l’information qui se livrent à une guerre des discours. De plus en plus, le rôle des journalistes sera d’analyser, hiérarchiser et qualifier ces sources et ce travail m’aide aussi à voir dans quelle mesure l’univers des étudiants en journalisme que j’accompagne est en mutation », conclue Valérie Jeanne-Perrier.
Pour approfondir :
Dans le cadre du projet Epilogue, la start up Kap Code s’est associée à MedShake Studio pour produire Data Crunchin’, un nouveau podcast qui croque et décrypte la data santé en lien avec cette plateforme collaborative. Lancé mercredi 24 juin, le premier épisode s’intéresse à l’émergence des fake news pendant la crise du Covid-19 et fait notamment intervenir Pierre-Carl Langlais, chercheur au CELSA Sorbonne Université.