Découverte d’un nouveau gène signature de la biominéralisation intracellulaire par les bactéries

Grâce à des études croisant minéralogie, bioinformatique et biologie évolutive, un gène signature de la minéralisation intracellulaire des carbonates par certaines cyanobactéries a été découvert. Cette découverte permet de mieux comprendre les mécanismes de ce processus, d’évaluer l’abondance de ces bactéries par rapport à celles formant les carbonates extracellulaires et enfin reconstruire leur histoire évolutive.

 

Les stromatolithes sont des formations rocheuses calcaires principalement d’origine biologique. Les plus anciennes datant du Précambrien, ces roches comptent parmi les premières traces de vie connues sur Terre et sont utilisées comme marqueurs de l’évolution de la composition chimique de l’atmosphère. Elles sont constituées de carbonates formés par des communautés microbiennes complexes dominées par les cyanobactéries. Pendant longtemps le seul mécanisme identifié de précipitation de carbonates par les cyanobactéries était une biominéralisation extracellulaire, conséquence indirecte de la photosynthèse de ces micro-organismes. Cependant, l’existence de certaines cyanobactéries capables de former des carbonates intracellulaires a été découverte il y a quelques années. Malgré l'intérêt géochimique de cette biominéralisation intracellulaire, son histoire évolutive et son mécanisme moléculaire restaient jusqu’ici méconnus.

Des chercheurs et des chercheuses de l’Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie (IMPMC, CNRS/MNHN/Sorbonne Univ.), de l’unité Écologie, systématique et évolution (ESE, CNRS/ AgroParisTech/Univ. Paris-Saclay), de la collection des cyanobactéries de l’Institut Pasteur (PCC, Institut de Pasteur/Univ. De Paris) et de l’Institut de biologie intégrative de la cellule (I2BC, CNRS/CEA/Univ. Paris-Saclay) ont analysé des dizaines de génomes de cyanobactéries formant, ou non, des carbonates intracellulaires. Ils ont ainsi identifié un gène unique commun aux cyanobactéries qui produisent les carbonates intracellulaires et s’avère absent des autres cyanobactéries à mécanisme extracellulaire. En couplant bioinformatique et génétique, ils ont montré que la calcyanine, protéine codée par ce gène, renfermait des motifs structuraux inconnus et ne ressemblait alors à aucune autre protéine de fonction connue. Elle a ainsi été identifiée comme susceptible de jouer un rôle dans la biominéralisation intracellulaire des carbonates de calcium.

Les scientifiques ont recherché ce gène dans plusieurs centaines de génomes de cyanobactéries référencés dans des bases de données publiques et ont sélectionné plusieurs d’entre elles portant ce même gène. L’observation en microscopie électronique de ces cyanobactéries a ensuite montré qu’elles formaient bien elles aussi des carbonates de calcium à l’intérieur des cellules. Les cyanobactéries ainsi identifiées se présentent sous différentes formes, en cellules uniques ou en filaments pluricellulaires, et vivant dans des environnements variés, aussi bien en eau douce qu’en milieu marin.

Enfin, grâce à des analyses phylogénétiques, les scientifiques ont montré que ce gène était vraisemblablement très ancien, presqu’aussi ancien que les cyanobactéries elles-mêmes, et qu’il n’avait été perdu au cours de l’évolution que secondairement, par plusieurs lignées, indépendamment les unes des autres. Ces travaux sont publiés dans Genome Biology and Evolution.

Cette étude montre que le vivant a très tôt développé des stratégies lui permettant de contrôler la synthèse de phases minérales utiles pour son fonctionnement.  Elle ouvre de nombreuses perspectives pour une meilleure compréhension des interactions entre la biosphère et la géosphère au cours des temps géologiques ou encore la mise au point de procédés biomimétiques pour la synthèse de matériaux carbonatés.

cartographies élémentaires par microscopie électronique en transmission du calcium (vert), du phosphore (rouge) et du carbone (bleu) dans des cellules de la cyanobactérie Synechococcus sp. RS9917. Le calcium est contenu par les carbonates de calcium amorphes (ACC). En bas à gauche : structure d’un domaine de la calcyanine, la protéine signature des cyanobactéries formant les ACC.
Légende : cartographies élémentaires par microscopie électronique en transmission du calcium (vert), du phosphore (rouge) et du carbone (bleu) dans des cellules de la cyanobactérie Synechococcus sp. RS9917. Le calcium est contenu par les carbonates de calcium amorphes (ACC). En bas à gauche : structure d’un domaine de la calcyanine, la protéine signature des cyanobactéries formant les ACC.

Article rédigé par le CNRS.



Référence
A new gene family diagnostic for intracellular biomineralization of amorphous Ca-carbonates by cyanobacteria. Karim Benzerara, Elodie Duprat, Tristan Bitard-Feildel, Géraldine Caumes, Corinne Cassier-Chauvat, Franck Chauvat, Manuela Dezi, Issa Diop Seydina, Geoffroy Gaschignard, Sigrid Görgen, Muriel Gugger, Purificación López-García, Maxime Millet, Fériel Skouri-Panet, David Moreira et Isabelle Callebaut, Genome Biology and Evolution, paru le 10 février 2022.
DOI: 10.1093/gbe/evac026
Archives ouvertes HAL

Contact

Karim Benzerara

Chercheur CNRS, Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie