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Découverte improbable d'un anneau autour de l'objet transneptunien Quaoar

Une équipe internationale, impliquant des chercheurs français de l’Observatoire de Paris – PSL, de Sorbonne Université et du CNRS, a découvert, autour de l’objet transneptunien Quaoar, un anneau... qui ne devrait pas exister. Ces travaux font l’objet d’une publication dans la revue Nature, le 8 février 2023.
 

L’anneau de Quaoar montre un comportement vis-à-vis de la limite de Roche qui n’a jamais été observé auparavant. En tant que tel, il remet en question le principe même des mécanismes d’accrétion qui permettent (ou empêchent) la formation de satellites à partir d’un disque collisionnel orbitant autour d’un corps planétaire.

Les découvertes successives et inattendues d’anneaux en 2013 autour de l’objet centaure – Chariklo -, puis en 2017 autour de l’objet transneptunien – Haumea -, ont amené à un constat étonnant : loin d’être réservés aux quatre planètes géantes, les anneaux seraient monnaie courante parmi les petits objets du système solaire externe. Cette idée fut, à l’évidence, un pari gagnant du projet “Lucky Star” de l’European Research Council (ERC) dirigé entre 2015 et 2021 par Bruno Sicardy, professeur à Sorbonne Université et astrophysicien à l’Observatoire de Paris – PSL.
 

Ainsi, à son tour, Quaoar a-t-il été ciblé. Gros objet transneptunien faisant la moitié de la taille de Pluton et orbitant en moyenne à 43 unités astronomiques du Soleil, Quaoar a donné lieu à quatre campagnes d’observations d’occultations stellaires qui se sont déroulées entre 2018 et 2021, mobilisant une cohorte de télescopes au sol et spatial. Les finalités étaient multiples : observer le passage de Quaoar devant ou à proximité d’étoiles dans le plan du ciel, collecter des informations sur le corps lui-même et mettre en évidence de la matière autour de l’objet, sous forme d’anneaux, de jets ou d’enveloppes de poussière.

Caractéristiques de l'anneau de Quaoar
  Vue d’artiste de l’anneau de Quaoar
Vue d’artiste de l’anneau de Quaoar représenté ici comme l’ellipse extérieure, avec une partie étroite et plus dense en bas à droite, et une composante continue plus ténue et plus large. La zone bleue intérieure marque la limite "de Roche" de Quaoar, zone en dehors de laquelle on s’attend à ce qu’un anneau ne demeure pas en tant que tel, mais s’accrète en un satellite. De récents travaux scientifiques indiquent que, selon la loi de collision adoptée, un anneau peut en fait survivre bien au-delà de cette limite.
Sylvain Cnudde / Observatoire de Paris – PSL / LESIA

Prises ensemble, les observations ont mis en évidence l’existence d’un anneau entourant Quaoar. Celui-ci est inhomogène et présente un rayon de 4 100 km. La partie dense de l’anneau - qui a une extension azimutale (parallèle à l’anneau) limitée - bloque plus de 50 % du flux stellaire qui le traverse. Elle est incluse dans une composante plus ténue et continue qui, elle, ne bloque quasiment pas le flux stellaire (moins de 1 %).

Mais la propriété unique et étonnante de l’anneau est sa grande distance au corps central : évaluée à environ 7,4 fois le rayon de Quaoar. Cet anneau se situe donc bien au-delà de la limite dite « de Roche » du corps central.

Or, passée la limite calculée par le mathématicien et astronome français, Edouard Roche, en 1850, un anneau collisionnel, n’est pas censé se former, les particules devant rapidement s’accréter en un satellite et donc disparaître. En effet, d’après les calculs d’Ed. Roche, l’accrétion est empêchée dans le cas d’un anneau collisionnel se trouvant en deçà de cette limite. En revanche, si le disque se situe au-delà de cette limite il devrait, en quelques semaines seulement, s’agréger en un satellite.

Et de fait, les anneaux principaux des quatre planètes géantes, de Chariklo et de Haumea se trouvent bien tous à l’intérieur ou à proximité des limites de Roche de leur corps respectif.

Improbable donc, cette découverte de l’anneau de Quaoar a donné lieu à des études numériques plus poussées présentées par l’équipe. (Lire le communiqué de presse).

A propos de la recherche

Cette recherche a été partiellement financée par le projet “Lucky Star” du Conseil européen de la recherche, dirigé par Bruno Sicardy (ERC Advanced Grant n°669416).

Elle est le fruit d’activités scientifiques menées entre autres en France, à l’Observatoire de Paris - PSL au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Observatoire de Paris – PSL / CNRS / Sorbonne Université, Université Paris Cité ) et à l’Institut de Mécanique Céleste et de Calcul des Éphémérides (Observatoire de Paris – PSL / CNRS / Sorbonne Université / Université de Lille), au Brésil (Université Fédérale de Rio de Janeiro et Observatoire National de Rio de Janeiro, Université Fédérale de Technologie à Curitiba), en Espagne (Institut d’Astrophysique d’Andalousie, Grenade), en Finlande (Université d’Oulu), à l’ESA (mission CHEOPS) et par des astronomes citoyens en Australie.

Les campagnes d’occultation ont grandement bénéficié de la mission Gaia de l’ESA, qui a fourni des positions d’étoiles très précises, assurant ainsi des prédictions fiables des événements.