iGEM 2020 : De l’or pour une eau saine du bassin versant de Paris
Une deuxième médaille d’or est venue s’ajouter au palmarès de l’équipe étudiante iGEM Sorbonne Université lors de la première édition virtuelle du Giant Jamboree, étape ultime qui a clôturé la 16e édition du concours de biologie synthétique iGEM organisé chaque année à Boston, États-Unis.
Cette année l’équipe a obtenu le grand prix du meilleur projet en biologie synthétique des plantes en sus de la médaille d’or, une distinction qui reflète l’originalité de leur projet « The Chlamy Cleaner » ou le « Purificateur Chlamy », un système de bio-filtration pour purifier les eaux de la Seine.
Au rythme des rencontres académiques : une réussite qui s’est construite au fil de l’eau
De la détection de pathogènes chez l’abeille, à la mobilisation écologique d’une micro-algue verte pour développer de nouvelles méthodes de productions de composants de l’huile de palme, les projets iGEM Sorbonne Université mobilisent les mécanismes naturels et l’interdisciplinarité scientifique pour répondre à des besoins actuels en médecine, industrie biotechnologique et agriculture.
« Tout a commencé il y a cinq ans, quand une poignée d’étudiantes et étudiants du master biologie moléculaire et cellulaire de Sorbonne Université1 nous ont demandé de bien vouloir les aider à monter la première équipe iGEM de notre université. L’investissement de chaque équipe a permis d’apprendre, de progresser et d’améliorer nos participations. Le succès de nos équipes leur revient en grande partie. », déclare Marco Da Costa, enseignant-chercheur en biologie cellulaire (IBPS-LBD) qui assure l’encadrement de l’équipe aux côtés de Pierre Crozet, enseignant-chercheur en biologie synthétique (IBPS-LCQB) et Frédérique Peronnet, directrice de recherche CNRS en biologie du développement (IBPS-LBD).
Le tinkering 2 ou ajustement intelligent : le cas du purificateur Chlamy
L’objectif du purificateur Chlamy est de contribuer à la dégradation active de certains antibiotiques, hormones et pesticides présents dans les cours d’eau de la Seine. Afin d’identifier leur cible, l’équipe a prélevé des échantillons d'eau à différents endroits. Parmi les polluants détectés, ils se sont plus particulièrement penchés sur l'atrazine, une molécule utilisé comme herbicide et qui est toxique pour l’environnement, nocive pour les humains et dont les conséquences à long terme sont peu connues. Cet herbicide fut principalement utilisé comme désherbant pour les champs de maïs de 1960 à 2003, année effective de l’interdiction de son utilisation en France. L’atrazine est toujours détecté aujourd’hui dans les milieux aquatiques.
Pour répondre à ce défi de bio-restauration de l'eau, l’équipe a mobilisé un processus de clonage moléculaire (dit Modular Cloning) pour développer la capacité de la micro-algue Chlamydomonas reinhardtii à retenir et dégrader l’atrazine dans un cadre respectueux de l’environnement. Dans un deuxième temps, un mécanisme de mort cellulaire programmée (dit kill-switch) a été imaginé afin que ces algues modifiées ne puissent se développer dans la nature si jamais elle s’y retrouvaient.
Horizon 2030 : vers la troisième décennie de la biologie synthétique 3
Si l’expression « biologie synthétique » a été utilisée pour la première fois en 1912 4, il aura fallu attendre la première décennie des années 2000 pour assister à sa mise en œuvre expérimentale. Cette discipline scientifique est née de la convergence des biosciences, des technologies de l'information et de l’ingénierie. Il s’agit d’un domaine nouveau qui vise à comprendre un objet ou processus biologique en le construisant de façon robuste et prédictible. L'enjeu des compétitions iGEM est de construire des systèmes biologiques génétiquement modifiés pour répondre à des questions scientifiques et défis sociétaux.
L’analyse de l'eau prélevée en différents endroits de la Seine par l’équipe iGEM révèle la présence d'atrazine près de 20 ans après son interdiction, montrant ainsi la persistance de ce pesticide, qui atteint d’une manière ou d’une autre les circulations fluviales. Cette résistance souligne également l’importance d’étudier le devenir des nouveaux polluants comme les micro-plastiques qui ont des durées de vie encore plus grandes et qui sont aujourd’hui présents dans les environnements aquatiques 5.
L’étude des polluants des milieux aquatiques constitue un champs d’application de la biologie synthétique, parmi bien d’autres, et une tradition d’enseignement et de recherche à Sorbonne Université. Comme le soulignent les chercheuses et chercheurs du réseau PIREN-SEINE 6, le développement de ces solutions doit être couplé avec des démarches de sciences participatives pour un regain d’intérêt public envers ces thématiques, un défi qu’iGEM et l’équipe de Sorbonne Université tentent de relever à travers diverses actions et campagnes.
L'équipe Sorbonne Université vous donne donc rendez-vous dès l'année prochaine pour Le Giant Jamboree 2021 qui aura lieu à Paris, ouvrant une nouvelle ère pour la compétition et une troisième et nouvelle décennie pour les recherches et projets innovants en biologie synthétique.
(1) Anciennement Université Pierre et Marie Curie (UPMC).
(2) Expression de Aldo Leopold, écologiste, forestier et environnementaliste américain. Voir “Round River” dans "Journals", 1991.
(3) Voir The second decade of synthetic biology: 2010–2020, Science communications, Octobre 2020.
(4) Voir « La Biologie Synthétique » de Stéphane Leduc, A. Poinat Editeur, 1912.
(5) Eurythenes plasticus, une nouvelle espèce d’ampiphode contaminée par les micro-plastiques et découverte récemment dans les eaux profondes du Pacifique. Son nom a été choisi en référence à ces polluants ingérés par ce crustacé.
(6) Voir « 30 ans d’évolution de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques au prisme des travaux du PIREN-Seine ».
En 2016, l’association étudiante « Impact iGEM » a été créée par les étudiantes et étudiants de Sorbonne Université. Elle est devenue par la suite « Abiosup ». Grâce aux fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE), aux subventions du Ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation et de la Maison des initiatives étudiantes, ainsi qu’aux collaborations avec les laboratoires de recherche de l'université1 , Abiosup continue aujourd’hui de rassembler les futures acteurs et actrices du domaine émergent de la biologie synthétique autour de projets étudiants innovants.
(1) Laboratoire de Biologie Computationnelle et Quantitative (LCQB)
Milieux Environnementaux, Transferts et Interactions dans les hydrosystèmes et les Sols (METIS)
Seine et Sauve, Créé par l'équipe iGEM 2020
Pour aider des jeunes scientifiques à donner des super-pouvoirs à une algue afin de dépolluer l'eau de la Seine.
À vous de jouer !
© iGEM Sorbonne Université, Florent Leduc