Il existe plusieurs types de géothermie. Comment marchent-ils, et quels sont les risques ?
Damien Do Couto, Sorbonne Université
Les actualités récentes dans le fossé rhénan font état de séismes induits par l’homme lors de l’exploitation de l’énergie géothermale.
L’exploitation de la chaleur interne de la Terre, la « géothermie », est une pratique très ancienne qui a débuté avec l’utilisation des sources thermales et qui a connu ces dernières décennies un essor tout particulier avec l’avènement de la transition énergétique qui presse l’humanité à changer ses modes de production et de consommation énergétiques.
En effet, alors que 99 % du volume de la Terre est à une température supérieure à 100 °C, cette chaleur est inégalement répartie à l’échelle du globe. Les grands mouvements tectoniques aux frontières et à l’intérieur des plaques tectoniques, le volcanisme, ou encore l’hydrothermalisme sont autant de facteurs favorisant la circulation de chaleur depuis les profondeurs. Faisons le point sur cette ressource aux différentes facettes, qui reste malgré tout encore peu connue.
Trois types de géothermie
L’utilisation de la chaleur du sous-sol est dépendante des avancées technologiques nous permettant de récupérer de cette chaleur, soit par l’utilisation de pompes à chaleur, soit par la stimulation hydraulique par exemple dont nous reparlerons plus tard. En fonction de la demande énergétique et de la quantité de chaleur disponible dans le sous-sol, plusieurs types de géothermies sont aujourd’hui développées dans le monde.
On distingue trois grands types de géothermie, différenciables selon la profondeur, la température ou encore l’utilisation de la ressource de chaleur : la géothermie de très faible à faible énergie (température inférieure à 90 °C), la géothermie de moyenne énergie (température supérieure à 90 °C) et la géothermie de haute énergie (température supérieure à 120 °C).
La profondeur de ces exploitations varie en fonction de la géologie du sous-sol. En effet, sur Terre, la température augmente en moyenne de 30 °C tous les kilomètres (c’est ce qu’on appelle le « gradient géothermique »), mais ce gradient n’est pas identique en tout point du globe et peut varier localement très fortement, atteignant parfois les 100 °C par kilomètre. Plus le gradient sera élevé, moins il faudra creuser pour trouver des températures élevées.
Les trois grands types de géothermie diffèrent donc par plusieurs aspects, et notamment par les risques qui leur sont associés.
La géothermie de faible énergie
La géothermie de faible énergie concerne le secteur domestique ou industriel et s’applique à utiliser la chaleur ou la douceur du sous-sol pour chauffer, refroidir et produire de l’eau chaude pour des habitations uniques, des immeubles ou encore des bâtiments tertiaires.
À très faible profondeur (inférieure à 200 mètres et environ 20 °C), l’utilisation de pompes à chaleur géothermiques est le meilleur moyen de récupérer cette chaleur et de produire de l’énergie. Dans ce cas, les pompes à chaleur sont reliées à des « sondes » verticales ou à des « échangeurs » horizontaux, qui font circuler en profondeur un liquide caloporteur : celui-ci se réchauffe au contact de la chaleur du sous-sol, et se refroidit dans la pompe à chaleur, par un système de compresseur/détendeur, pour céder ses calories au milieu que l’on souhaite réchauffer, par exemple de l’eau chaude domestique ou un circuit de chauffage.
Cette géothermie de proche surface est la plus développée en France, car elle est la moins coûteuse et la plus facile à mettre en place. Elle est également la moins risquée, car les sondes géothermales et les échangeurs horizontaux fonctionnent en boucles fermées : le fluide caloporteur n’entre jamais en contact avec le milieu extérieur et réalise toujours le même circuit. Il s’agit ici d’un échange de chaleur, par diffusion thermique uniquement.
Lorsqu’un aquifère est présent dans le sous-sol, c’est-à-dire une roche dont la porosité et la perméabilité permettent à l’eau de circuler librement, des « doublets géothermiques », composés d’un forage de production et un forage d’injection, peuvent être mis en place. Dans ce cas, la chaleur du fluide ascendant est exploitée pour chauffer les réseaux urbains, puis celui-ci est réinjecté dans son milieu d’origine à une température plus faible.
En Île-de-France, de nombreux doublets géothermiques sont installés dans le but d’alimenter des réseaux de chauffage urbains en utilisant un aquifère profond situé entre 1,5 et 2 km de profondeur, à une température moyenne comprise entre 60 et 85 °C. L’histoire géologique du bassin parisien a permis à une roche « réservoir » de se déposer il y a plus de 160 millions d’années. La présence de ces aquifères profonds dépend entièrement de l’histoire géologique passée.
En fonctionnement par doublet géothermique, l’eau chaude de l’aquifère en production est réintroduite dans son milieu d’origine afin que le fluide caloporteur n’entre pas en contact avec le milieu extérieur (ni avec une potentielle nappe d’eau superficielle) pour ne pas impliquer de contamination et de déséquilibre physico-chimiques entre les différents milieux.
La géothermie de moyenne et haute énergie
La géothermie de moyenne énergie concerne des projets plus profonds et des températures généralement supérieures à 90 °C. Le but de cette géothermie est d’utiliser la forte température des profondeurs pour produire de la chaleur, ou de l’électricité (dans une moindre mesure), voire les deux en même temps. Les usages principaux de ce type de géothermie sont industriels et comprennent l’extraction de produits chimiques, le séchage de produits industriels ou encore la récupération de métaux.
La géothermie de haute énergie cherche quant à elle à capter l’eau à des températures supérieures à 120 °C, sous forme de vapeur, qui servira à produire de l’électricité grâce à des turbines. Ce type de géothermie est développé dans des contextes géologiques spécifiques, impliquant la présence de corps chauds apportant la source de chaleur : il peut s’agir de la proximité du manteau terrestre ou de corps magmatiques, comme on peut en trouver par exemple en Guadeloupe, sur le site de Bouillante ou encore en Toscane.
Des forages à plusieurs kilomètres de profondeur sont nécessaires pour produire cette chaleur étant donné le gradient géothermique moyen. En l’absence d’aquifère profond, il faut injecter de l’eau douce en profondeur, où elle se réchauffe, puis la pomper vers la surface, généralement grâce deux puits de production. Pour cette méthode, il convient donc de trouver, en profondeur, un environnement chaud et naturellement fracturé dans lequel l’eau pourra circuler et emmagasiner la chaleur.
Dans ce contexte, l’utilisation de la « stimulation hydraulique » sert à augmenter la perméabilité des réservoirs fracturés en profondeur. Cette technique, dérivée du monde pétrolier, vise à injecter de l’eau douce sous pression pour ouvrir les fractures préexistantes. On parle alors d’« EGS » pour Enhanced Geothermal System. Contrairement à la fracturation hydraulique, qui cherche via l’injection d’eau et de produits chimiques à créer de nouvelles fractures sur une vaste superficie, la stimulation hydraulique est bien moins risquée, car les pressions d’injection sont quatre à cinq fois inférieures à celles de la fracturation hydraulique. Cette étape de stimulation hydraulique induit fréquemment des séismes, la plupart étant de magnitudes si faibles qu’ils ne sont pas ressentis par la population aux alentours du site d’injection.
Par contre, recourir à la stimulation hydraulique nécessite d’avoir une parfaite connaissance du réservoir en profondeur : sa nature, sa géométrie, l’orientation des fractures ou encore la quantité de tension tectonique préalablement accumulée. Ce qui s’est déroulé récemment sur le site de Vendenheim dans le Bas-Rhin démontre la méconnaissance des propriétés du réservoir profond. En effet, la plupart des données utilisées par les géoscientifiques sont des données indirectes issues d’observations géophysiques, et le diamètre d’un forage ne représente que quelques centimètres carrés de surface, pour un réservoir qui peut s’étendre sur plusieurs kilomètres carrés.
Damien Do Couto, Maître de conférences, Sorbonne Université
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.