La présence d’éoliennes augmente les risques de perte d’habitat et de mortalité chez les chauves-souris

Des chercheurs et chercheuses du Centre d’Écologie et des Sciences de la Conservation (CESCO – Muséum national d’Histoire naturelle, CNRS, Sorbonne Université), en partenariat avec le bureau d’études Auddicé, ont publié de nouveaux résultats sur l'impact d'éoliennes sur les habitats et la mortalité des chauves-souris dans la revue scientifique Journal of Applied Ecology en septembre dernier.

Ces chercheurs et chercheuses ont mené ces études pour comprendre comment la distance de l’éolienne à des habitats favorables (ici, les haies) pouvait conditionner la réponse comportementale (attraction ou évitement) des chauves-souris. Cette équipe a évalué le niveau d’activité de ces dernières à partir d’enregistrements de leurs émissions ultrasonores sur des sites avec et sans éoliennes (65 paires) à différentes distances des haies.

Dans le cadre actuel de transition énergétique, la programmation pluriannuelle de l'énergie prévoit de « doubler la capacité installée des énergies renouvelables électriques en 2028 par rapport à 2017 ». Cette annonce soulève d’importants questionnements sur les conséquences d’une telle augmentation pour la biodiversité. En effet, il est maintenant largement documenté que les éoliennes peuvent engendrer des pertes d’utilisation des habitats par la faune, et être sources de mortalité par collisions directes ou par barotraumatismes (lésions tissulaires provoquées par un changement de pression) sur la faune volante. Ces cas de mortalité peuvent, chez certaines espèces de chauves-souris (notamment en Amérique du Nord), réduire drastiquement la taille des populations et augmenter le risque d’extinction de celles-ci.

Cette étude prouve que la présence d’éoliennes à proximité immédiate d’habitats favorables tels que les haies (à 10-43 mètres) engendre une diminution très nette de l’utilisation de cet habitat de prédilection par les chauves-souris. Par ailleurs, des éoliennes situées plus loin des haies (43-100 mètres) peuvent contribuer à attirer certaines de ces espèces dont les Noctules, connues pour être particulièrement sensibles aux risques de collision. En d’autres termes, des éoliennes situées à moins de 100 mètres des haies peuvent causer une perte d’utilisation des habitats au niveau du site d’implantation et des risques accrus de collisions et donc de mortalité.

Ces résultats soulignent l’importance de placer les éoliennes à une distance suffisante des haies et des lisières boisées et corroborent les recommandations de la convention UNEP/EUROBATS qui préconisent d’éviter l’implantation d’éoliennes à moins de 200 mètres d’une lisière forestière ou d’une haie. Cette recommandation n’est actuellement que très peu respectée : en 2018, les 3/4 des éoliennes du Grand Ouest de la France installées depuis la publication de cette recommandation (2008) étaient situées à moins de 100 mètres d’une haie ou lisière forestière. En complément de cette recommandation, de futures études pourraient évaluer l’efficacité de mesures de réduction, telles que le bridage, dans la minimisation de ces phénomènes d’attraction et de répulsion à proximité des haies.

À travers cette étude, les auteurs mettent ainsi en avant une solution pour mieux concilier transition énergétique et enjeux de conservation de la biodiversité.

 


Références : Leroux, C., Kerbiriou, K., Le Viol, I., Valet, N., Barré, K., 2022. Distance to hedgerows drives local repulsion and attraction of wind turbines on bats: implications for spatial siting. Journal of Applied Ecology. doi : 10.1111/1365-2664.14227