A la recherche des origines des coronavirus

Peut-ont retracer l’évolution des coronavirus ? Trois biologistes de l’ISYEB se sont attaqués à la question et ont élaboré une nouvelle méthode d’analyse des génomes, appelée Genomic Bootstrap Barcodes. Appliquée aux coronavirus proches du SARS-CoV-2  (le virus responsable de la pandémie de COVID-19), elle a permis de mieux comprendre la façon dont les génomes des virus à ARN évoluent par recombinaison chez les chauves-souris réservoirs.

Les coronavirus responsables de la pandémie de COVID-19 (SARS-CoV-2) et de l’épidémie de SRAS entre 2002 et 2004 (SARS-CoV) appartiennent au groupe des sarbecovirus. Ces virus à ARN sont connus pour évoluer par recombinaison, un processus au cours duquel un fragment génomique d’un virus va remplacer le fragment équivalent dans le génome d’un autre virus, aboutissant ainsi à la formation d’un génome recombiné.

La recombinaison est censée être rare car elle nécessite qu’une même cellule d’un hôte porteur de ces virus, comme les chauves-souris du genre Rhinolophus ou, plus récemment l’humain, soit infectée en même temps par deux virus génétiquement distincts. Malgré cela, elle joue un rôle majeur dans l’évolution des virus car elle peut produire une grande diversité de génomes en mosaïque qui, par le biais de la sélection naturelle, peuvent s’avérer capables de s’adapter à de nouvelles conditions jusqu’à parfois coloniser une nouvelle espèce hôte. C’est de cette manière que des pangolins ont été infectés par des virus de chauve-souris.


Révéler les régions génomiques communes des différents virus

Dans un article récemment publié dans la revue Viruses, trois biologistes de l’ISYEB ont élaboré une nouvelle méthode d’analyse des génomes, appelée Genomic Bootstrap Barcodes, qui a permis de mieux comprendre la recombinaison dans les génomes de sarbecovirus. Cette méthode produit des codes-barres dont les zones colorées en vert révèlent les régions génomiques issues d’une ascendance commune entre les virus.

Quelques exemples de codes-barres de bootstraps génomiques montrant les régions du génome du SARS-CoV-2 partageant une ascendance commune (en vert) avec des virus de chauves-souris du Yunnan (en orange) et d’Asie-du Sud-Est (en bleu). Pour chacune de ces régions (zones vertes), la ou les valeurs en noir indiquent les distances nucléotidiques (en %) entre SARS-CoV-2 et les autres virus.
Crédit :  Alexandre Hassanin

L’analyse des codes-barres ayant permis de mieux comprendre le processus de recombinaison, les auteurs ont proposé un nouveau modèle faisant intervenir des ARN circulaires issus d’une première infection virale et un génome ARN linéaire provenant d’une infection subséquente. Ce modèle de recombinaison pourra ainsi servir à réévaluer la dynamique évolutive des coronavirus, mais aussi celle des autres virus concernés par la recombinaison.


L’histoire évolutive du SARS-CoV-2 a été marquée par de multiples recombinaisons entre des virus de chauve-souris

Les résultats phylogénétiques ont confirmé l’existence de trois lignées virales divergentes chez les chauves-souris du Yunnan (province du Sud de la Chine) : SCoVrC, une lignée regroupant les virus apparentés au SARS-CoV, détectée un peu partout en Chine ; SCoV2rC, une lignée intégrant les virus proches du SARS-CoV-2, présente au Yunnan et en Asie du Sud-Est ; et YunSar, une lignée incluant quelques virus récemment décrits dans le Yunnan.

L’étude a permis de caractériser des recombinaisons anciennes entre les lignées SCoV2rC et YunSar, ainsi que des recombinaisons plus récentes entre les lignées SCoVrC et SCoV2rC. Les patrons de recombinaison étant convergents, les auteurs en ont déduit que les espèces hôtes ont imposé une forte pression de sélection au niveau du gène codant pour l'ARN polymérase ARN-dépendante, la protéine impliquée dans la réplication des virus. Par ailleurs, l’analyse des codes-barres a révélé que près de 53% du génome du SARS-CoV-2, le virus responsable de la pandémie, partage des origines récentes avec des virus de chauves-souris du Yunnan (en particulier RmYN02, RpYN06 et/ou RaTG13) et que d’autres régions de son génome partagent des origines plus anciennes avec des virus de chauves-souris du Yunnan et d’Asie du Sud-Est (voir l’image ci-dessus).

Ainsi, le SARS-CoV-2 provient très certainement d’un virus de chauve-souris du Yunnan ou des pays limitrophes (Myanmar, Laos, Vietnam).


Alexandre Hassanin, Opale Rambaud, Dylan Klein.
Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité (ISYEB), Sorbonne Université, Centre National de la Recherche Scientifique, École Pratique des Hautes Études, Muséum National d’Histoire Naturelle, Université des Antilles.
Article publié dans Viruses

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Alexandre HASSANIN

Maître de conférences à Sorbonne Université