Les plasmas astrophysiques turbulents, accélérateurs de particules
L’origine des particules de haute énergie dans l’Univers, noyaux d’atomes, électrons, photons ou neutrinos, constitue une énigme clé de l’astrophysique multi-messagers. Des travaux menés par une équipe de l’Institut d'Astrophysique de Paris (IAP) et du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA) permettent de mieux comprendre le mécanisme par lequel les plasmas astrophysiques turbulents jouent le rôle d’accélérateurs de particules. En particulier, ils proposent un modèle théorique qui implémente dans un cadre moderne l’idée pionnière du célèbre physicien Enrico Fermi.
Le développement de nouvelles techniques d’observation du ciel nous permet désormais de sonder l’Univers au-delà du domaine visible auquel nos yeux sont sensibles, jusqu’aux rayons X et gamma, voire gamma de haute énergie. Ces rayonnements sont constitués de photons ayant des énergies de l’ordre de 1 téra, ou mille milliards d’électronvolts (noté TeV) à 1 péta, ou 1 million de milliards d’électronvolts (noté PeV). Le rayonnement de haute énergie diffère en outre du rayonnement visible par son origine. Il est en effet le résultat de processus radiatifs divers, baptisés Bremsstrahlung, synchrotron, Compton ou hadronique que subissent des particules chargées – que ce soient des électrons ou des noyaux d’atomes.
Les étoiles ordinaires, les nébuleuses ou les galaxies s’effacent de ce ciel à haute énergie, car les objets qu’on y rencontre doivent être le siège de phénomènes suffisamment dynamiques et violents pour accélérer les particules aux énergies observées : trous noirs, microquasars, sursauts gamma, radiogalaxies, etc. En témoigne par exemple l’image de la radiogalaxie Centaurus A (image ci-dessous) qui compare l’apparence de cet objet dans deux bandes de fréquence : en rayons X (à droite) et dans le domaine visible (à gauche). L’image obtenue en X révèle la présence d’éjections de matière qui s’éloignent du noyau central de la galaxie en des directions opposées. Ces éjections sont composées de particules de haute énergie, témoins de processus d’accélération à l’œuvre.
Comprendre par quel mécanisme ces sources se transforment en accélérateurs de particules est au cœur de l’astrophysique que l’on qualifie de multi-messagers, qui vise à sonder le cosmos par la détection de photons de toute énergie, ou de neutrinos, ou de rayons cosmiques (des noyaux d’atomes se déplaçant à des vitesses proches de celle de la lumière, et donc de haute énergie), ou d’ondes gravitationnelles.