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Mon ordinateur quantique est-il meilleur que le tien ?

Grâce aux travaux effectués en collaboration par le Laboratoire Kastler Brossel (LKB, CNRS / Collège de France / ENS–PSL / Sorbonne Université) et Caltech, un cadre comparatif a pu être développé, permettant de mesurer les performances d'ordinateurs quantiques différents et ainsi de déterminer le meilleur d'entre eux.

Un même support physique, comme par exemple la lumière, peut être utilisé pour construire des types très différents d'ordinateurs quantiques. Des chercheurs développent une méthode pour les comparer de façon rigoureuse et décider quelle mise en œuvre sera la plus puissante, la plus efficace et la plus prometteuse.

Les ordinateurs ordinaires stockent l’information sous la forme d'une séquence de zéros et de uns appelés bits. Pour un ordinateur quantique, on utilise plutôt des qubits, des zéros et des uns qui peuvent être manipulés en utilisant les lois et phénomènes de la physique quantique, comme par exemple l’intrication, cette caractéristique unique de la mécanique quantique qui permet de lier plusieurs qubits dans un état commun qui de façon surprenante ne peut être vu comme la coexistence de deux qubit ayant chacun un état déterminé... Malgré tout, si l’on mesure un qubit, on obtient toujours une valeur discrète—zéro ou un—, c’est pourquoi une machine basée sur des qubits est appelée ordinateur quantique à variables discrètes.

Cependant, une alternative quantique existe avec les ordinateurs quantiques à variables continues, que plusieurs chercheurs et entreprises tentent actuellement de développer. Ce sont des projets de machines qui stockeraient l’information sous forme de signaux analogiques continus. Si l’on mesure un tel signal, on n’obtient pas un zéro ou un un, mais un nombre réel quelconque. Les ordinateurs quantiques à variables discrètes et ceux à variables continues tels qu’on les envisage seront capables de faire les mêmes choses, et en s’appuyant sur les mêmes supports physiques, tels que les ions piégés, la photonique ou les circuits supraconducteurs. Néanmoins, ces deux types d’ordinateurs quantiques sont dans leur principe entièrement différents, et leur réalisation présente des difficultés spécifiques qui ne sont pas du tout les mêmes. Par ailleurs, ces différences compliquent la comparaison des ordinateurs quantiques à variables discrètes et des ordinateurs quantiques à variables continues. Comment dès lors déterminer quel ordinateur quantique est le plus puissant ou efficace ?

Pour répondre à cette question et orienter ainsi le développement des machines quantiques, il est important de trouver une caractérisation commune des propriétés quantiques à l’origine de la puissance de calcul de ces différentes machines. Dans un récent travail, des chercheurs du Laboratoire Kastler Brossel et de Caltech ont donc développé un tel cadre comparatif, pertinent lorsque deux ordinateurs quantiques différents sont réalisés avec la même implémentation physique. Pour ce faire, ils se sont appuyés sur un nouveau formalisme quantique dit « stellaire » qu’ils ont développé très récemment, duquel émerge une grandeur, le « rang stellaire », qui permet de comparer les deux types d'ordinateurs quantiques et de quantifier leur puissance. Concrètement, pour les machines fonctionnant sur l’exploitation des propriétés quantiques de la lumière, ce rang stellaire donne un moyen de compter le nombre de photons qui contribuent au calcul. En outre, les calculs dans ce nouveau formalisme montrent qu’une modalité particulière d'intrication, l’intrication non gaussienne, est essentielle au fonctionnement des ordinateurs quantiques.

Ce nouveau cadre comparatif ouvre enfin de nouvelles perspectives, car il fournit un langage adapté à la formulation de nombreuses nouvelles questions de recherche qui aideront à concevoir les ordinateurs quantiques du futur. Ces recherches sont publiées dans les Physical Review Letters.

Schéma de deux ordinateurs quantique s'affrontant, illustré par des gants de boxes et des schémas représentants leur composition différentes, avec le rang stellaire au centre
Dans une confrontation entre un ordinateur quantique à variables discrètes et un autre à variables continues, le rang stellaire est un arbitre impartial pour décider qui est le plus puissant. © U. Chabaud & M. Walschaers

Références

Resources for bosonic quantum computational advantage, U. Chabaud & M. Walschaers, Physical Review Letters, paru le 02 mars 2023.
DOI: 10.1103/PhysRevLett.130.090602
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