« Nous avons besoin de femmes en sciences »
Stéphanie Bonneau, vice-présidente Personnels, Égalité professionnelle et Diversité, fait le point sur les actions menées pour créer un environnement propice à l’égalité entre les femmes et les hommes à Sorbonne Université.
Quel est l’état des lieux actuel sur l’égalité des genres à Sorbonne Université ?
Stéphanie Bonneau : Des progrès sont accomplis, mais il y a encore beaucoup à faire en matière d’égalité. Alors que la présidence de l’université respecte parfaitement la parité avec 6 vice-présidentes et 6 vice-présidents, d’autres fonctions sont encore très majoritairement masculines. D’un point de vue statistique, nous partageons globalement les mêmes tendances que celles observées au niveau national par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Le nombre d'enseignantes-chercheuses et de chercheuses progresse, mais reste faible dans les corps les plus élevés et les disciplines scientifiques.
Les chiffres-clés de l’égalité femme-homme du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation
- 37% de femmes parmi les chercheurs (recherche publique).
- 37 % de femmes parmi les enseignants-chercheurs titulaires de l’enseignement supérieur.
- Les femmes représentent 24 % des professeurs d’université et 44 % des maîtres de conférences. Elles représentaient respectivement 12 % et 35 % de ces catégories en 1992.
- 14 % des chercheuses et chercheurs en entreprise sont des femmes dans le domaine des mathématiques et conception de logiciel. Dans le domaine des sciences médicales, elles représentent 61 % de l’effectif des chercheurs.
- 6 % de femmes assurent la présidence des organismes publics de recherche.
- 12 % de femmes présidentes d’université.
Ce différentiel numérique est-il dû à un manque d’appétence des femmes pour les sciences ?
S. B. : Non, il repose en partie sur une autocensure des femmes produite socialement et sur des biais cognitifs implicites très forts. Ces représentations mentales, contre lesquelles même les femmes ne sont pas prémunies, ont la vie dure. La déconstruction des stéréotypes doit se faire sur tous les fronts, à travers des évènements de communication, des formations, des actions de sensibilisation [1] , la mise en avant de modèles féminins, une politique des ressources humaines égalitaire, etc.
Quelles solutions concrètes propose Sorbonne Université pour promouvoir l’égalité des genres ?
S. B. : L’université a d’abord mis en place des actions concrètes comme la recherche de la parité dans les instances d'évaluation, la création d’un film pour sensibiliser les personnels de l’université à cette thématique ou encore la diffusion d’une information sur les biais de genre aux membres des jurys de concours des enseignants-chercheurs.
Parmi ces actions concrètes, Sorbonne Université apporte son soutien à la paternité en prenant en compte les congés maternité, parental et d’adoption dans le calcul des carrières et des primes. Un dispositif d'accompagnement au retour de ces congés a été mis en place et devrait être élargi à l’ensemble de l’université. Parce qu’encore aujourd’hui, dans les mentalités, un homme qui quitte une réunion pour aller chercher ses enfants est un surhomme alors qu’une femme dans la même situation est juste une mère, nous voulons inciter les pères à s’investir davantage dans la sphère domestique et familiale en favorisation la prise du congé paternité.
Pour un travail de fond, une chargée de mission Egalité, Mme Gély, a été nommée au niveau universitaire en décembre 2018. En collaboration avec les missions Egalité et Lutte contre les discriminations déjà en place dans les facultés, elle a pour objectif de garantir l'égalité entre les femmes et les hommes dans le recrutement et le déroulement de carrière, ainsi que l'égalité de traitement entre les étudiantes et les étudiants dans leurs études. Elle est également en charge de faire un état des lieux, de sensibiliser, de prévenir les discriminations et les problèmes d'égalité liés au genre et de promouvoir des actions pour lutter contre le harcèlement sexuel et sexiste.
Avec la mission Egalité universitaire, la direction des Ressources humaines va mettre en place des formations en partenariat avec des associations qui travaillent sur l’égalité des genres. Ces associations pourront mener des actions de sensibilisation et développer des formations concrètes, y compris réglementaires et juridiques.
L’an dernier, Frédérique Vidal a annoncé la mise en place d’une instance d’écoute pour les violences sexistes ou sexuelles dans chaque université. Est-ce le cas à Sorbonne Université ?
S. B. : Oui. Alors que la prise en charge se faisait jusqu’à maintenant par l’intermédiaire de la direction des Ressources humaines et des médecins et psychologue du travail, une cellule d’écoute sera mise en place via une association en septembre prochain. Cette association pourra être sollicitée directement par le salarié ou via la personne saisie au sein de l'université. Elle proposera aux victimes une prise en charge globale : un suivi psychologique et médical, une information sur les recours juridiques et un accompagnement dans ces démarches.
Le MESRI souhaite atteindre l’objectif de 40% d’étudiantes en filières scientifiques en 2020. Que pensez-vous de cet objectif ?
S. B. : Il y a effectivement un gros travail à faire pour attirer les filles dans ces filières. Mais ce n’est pas un travail que les universités peuvent porter seules. Il doit se faire sur le terrain en collaboration avec les lycées, les collèges et les écoles. Nous avons besoin de femmes en sciences. En effet, selon le MESRI, alors que plus de la moitié des étudiants sont des étudiantes, elles n’étaient que 33% en 2016 dans les filières à caractère scientifique.
Par ailleurs, il est important de mettre en avant des modèles féminins qui permettent aux jeunes femmes de s’identifier et d’envisager une carrière scientifique. Aujourd’hui, nous avons la chance, à Sorbonne Université, d’avoir des étudiantes, des diplômées, des chercheuses et des enseignantes-chercheuses, qui sont des exemples de réussite [2].
Pour en savoir plus
- La mission Egalité et lutte contre les discriminations de la faculté des Lettres
- La mission Egalité et lutte contre les discriminations de la faculté des Sciences et Ingénierie
- La commission de déontologie en médecine
[1] Dans l’optique de déconstruire les stéréotypes, la mission Egalité et Lutte contre les discriminations de la faculté des Lettres et celle de Sorbonne Université organisent le 25 mars prochain une pièce de théâtre. Portée par une troupe spécialisée sur les problématiques de discrimination, cette pièce interactive mettra en lumière les représentations cognitives implicites qui peuvent biaiser nos jugements au quotidien. Ouverte à tous les étudiants et personnels, elle sera accompagnée d’un débat puis de la présentation des travaux d’étudiants de masters de la faculté des Lettres sur la question du genre.
[2] Du 21 au 24 mai 2019, une conférence en l’honneur de la mathématicienne Nicole El Karoui, fondatrice du master de mathématiques financières qui porte son nom, aura lieu à Sorbonne Université. Cette conférence qui s'articulera autour des thèmes scientifiques auxquels la chercheuse a beaucoup contribué, s’ouvrira par une journée grand public consacrée aux femmes scientifiques.