Une nouvelle espèce exotique envahissante dans une réserve naturelle du Var : le réduve américain
Les espèces invasives, ou plus précisément exotiques envahissantes, sont au cœur de la problématique du réchauffement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, comme le dévoile sans équivoque le tout récent rapport de l’IPBES. L’IPBES est en quelque sorte le GIEC de la biodiversité, un panel international de spécialistes de la biodiversité et de sa gouvernance.
> Romain Garrouste, Chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.
Des milliers d’espèces sont aujourd’hui évaluées ou monitorées, notamment les espèces invasives. Il est crucial pour nous chercheurs de diffuser ces informations auprès du public ou des professionnels de l’agriculture par exemple, ou encore des milieux naturels afin d’informer, d’éviter les mauvaises pratiques, d’anticiper l’arrivée de ces espèces pour permettre une détection précoce.
Les impacts des espèces invasives
Certaines espèces invasives sont très visibles, comme les moustiques tigres, et sont évaluées ou encore font l’objet de campagne d’éradication comme le ragondin. Ce sont les impacts sur la santé animale ou humaine ou les impacts économiques qui sont alors évalués.
Les impacts écologiques sont plus difficiles à évaluer. Pourtant, ils sont très importants : il s’agit de comprendre la place des espèces invasives dans les écosystèmes, où elles peuvent remplacer des espèces autochtones ou causer des dégâts indirects (comme le rat noir qui favorise certaines espèces de plantes dans les îles) en s’insérant insidieusement dans les « biocénoses », ces assemblages d’espèces qui composent les écosystèmes (on parle aussi de communautés).
Mais les espèces invasives peuvent aussi passer inaperçues, notamment si elles ne provoquent pas d’impact évident (nuisible à une culture ou pour la santé) ou si elles ne présentent pas de comportement qui les rend détectables. Ainsi, pour de nombreuses espèces invasives mais discrètes, comme certains insectes, il s’agit d’une invasion silencieuse. Au moins au début.
Les réserves naturelles, et plus largement les espaces naturels protégés, sont dévolus à la protection des espaces naturels et des espèces, en particulier celles qui sont protégées ou sensibles, voire en danger d’extinction ?
En effet, ces espaces devraient être aux avant-postes de la surveillance sur les espèces qui les composent et pour cela disposer de personnels compétents et missionnés.
Le réduve américain : encore une nouvelle espèce de punaise invasive en France
Zelus renardii est une espèce de punaise Reduviidae (un Hémiptère Hétéroptère) prédatrice qui est en train d’envahir le monde depuis son aire d’origine (sud de l’Amérique du Nord du Nord et Amérique du Sud). Elle a été détectée en Italie en 2018 et en Espagne depuis 2010. C’est une espèce très vorace qui se nourrit de petits insectes, en particulier de petits Hémiptères dans la végétation basse et arbustive où elle vit.
Nous avons détecté cette espèce dans le Var en février 2019. Son implantation en France semble bien établie mais son rôle exact dans les écosystèmes est inconnu. Plusieurs observations confirment maintenant qu’elle est bien implantée dans la Réserve naturelle nationale de la Plaine des Maures.
Une aire protégée doublement fragilisée
Cette réserve subit actuellement une double peine : un incendie estival a brulé 75 % de son territoire en août 2021, et la fin du service qui gérait ce joyau national, jusque-là géré par le Conseil départemental du Var qui a dénoncé son contrat avec l’état. Jusqu’à présent, quatorze personnes compétentes et assermentées, dont des spécialistes de la faune et de la flore, veillaient sur la réserve et ses quelque 200 espèces animales et végétales protégées, et notamment sur l’une des dernières populations de l’emblématique Tortue d’Hermann.
Un repreneur, la Société nationale de protection de la nature, a été trouvé pour gérer la réserve nationale : d’un service de quatorze personnes, c’est maintenant une équipe de trois personnes qui est aujourd’hui en place, et qui peine à recruter un conservateur, pour gérer et surveiller plus de 5 000 hectares.
Aussi les espèces invasives animales et végétales, qui profitent des perturbations dans les écosystèmes, trouvent des conditions doublement favorables pour s’installer. Elles arrivent après la perturbation (ici le feu) dans des milieux à faible biodiversité et s’y installent en absence de concurrence. Elles deviennent alors difficiles à déloger.
En absence d’études et de surveillance, il est difficile d’évaluer l’impact de cette punaise, mais on sait qu’elle va remplacer des espèces locales. Nous proposons aux naturalistes et observateurs de la nature d’ajouter les Zelus à leur liste et de suivre son évolution en France : elles sont reconnaissables sur photo et peuvent faire l’objet d’un suivi via les sciences participatives.
Ceci est d’autant plus important pour le suivi de Zelus que la mise en place de suivis et d’études pour comprendre la régénération après le feu est fortement compromise par ces déboires politiques qui interrogent sur la place de la conservation et son acceptabilité dans certains de nos territoires, pourtant plus que nécessaire dans le contexte contemporain de nos écosystèmes méditerranéens qui font particulièrement face au réchauffement climatique.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.