François Forget, explorateur de la planète rouge
Directeur adjoint du laboratoire de météorologie dynamique (LMD) 1 et spécialiste de l’exploration du système solaire et des environnements planétaires, François Forget a obtenu une ERC Advanced en mars 2019 pour son projet Mars through time.
Enfant, il rêvait d’explorer les fonds marins. Finalement, ses recherches l’ont mené bien plus loin : au-delà des confins du système solaire. Après une thèse sur l'étude de Mars en 1996, il devient chargé de recherche CNRS au LMD en 1998. Au sein de l'équipe Planétologie 2 qu’il crée en 2003, il étudie le climat et les atmosphères des planètes telluriques 3 du système solaire (Mars, Vénus, Pluton, Titan, Triton) et des exoplanètes 4. En collaboration avec le laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales 5 et d’autres équipes à travers le monde, le LMD développe des modèles climatiques numériques pour simuler les environnements de ces autres mondes. Leurs applications sont nombreuses : analyser les observations spatiales, préparer les missions robotiques, étudier l’habitabilité des exoplanètes ou encore mieux comprendre la Terre.
« La spécialité du LMD est notamment de développer des modèles numériques de climat. Dans notre équipe nous appliquons ce savoir-faire aux planètes du système solaire et aux exoplanètes. Etudier le climat de ces autres mondes permet de mieux comprendre le changement climatique terrestre », explique l’astrophysicien.
Après avoir travaillé à la NASA de 2004 à 2005, il continue de s’impliquer dans de nombreuses missions spatiales comme Mars Express (ESA), l'ExoMars Trace Gas Orbiter (ESA), New Horizons (NASA), Insight (NASA) ou le Rover ExoMars (ESA).
Médaille de bronze du CNRS en 2001 et élu membre de l'Académie des sciences en 2017, il reçoit en 2014 la médaille David Bates de l’union européenne des géosciences pour son travail sur la modélisation du climat des planètes du système solaire et extrasolaire.
La spécialité du LMD est notamment de développer des modèles numériques de climat. Dans notre équipe nous appliquons ce savoir-faire aux planètes du système solaire et aux exoplanètes. Etudier le climat de ces autres mondes permet de mieux comprendre le changement climatique terrestre.
Une planète rouge aux mille visages
Récompensé par une ERC Advanced au printemps 2019, son projet Mars through time vise à créer un modèle « nouvelle génération » de l’évolution du climat sur Mars afin de mieux comprendre sa géologie, son habitabilité et ses changements.
L’ERC Advanced Grant, une bourse européenne d’excellence
Le programme ERC (European Research Council) finance l'excellence scientifique à la frontière des connaissances.
Avec un niveau de compétitivité très élevé, les bourses Advanced Grant doivent permettre à des scientifiques confirmés et reconnus en tant que leaders d'exception dans leur domaine de réaliser un projet de recherche exploratoire novateur et ambitieux.
La durée de la bourse est de 5 ans et les critères de sélection sont l'excellence scientifique du projet et du chercheur qui le porte.
En effet, de nombreuses observations de la surface de Mars ont montré que la planète rouge a connu, à travers les âges, de multiples visages, conséquence de climats très différents.
Visibles à la surface de la planète, des terrains vieux de 3 milliards d’années témoignent de la présence aujourd’hui disparue de lacs, de rivières, peut-être même d’océans. Cette planète, deux fois plus petite que la Terre et à l’atmosphère ténue, a pu voir naître la vie à cette époque lointaine où elle apparaissait sur notre planète. L’existence de grands glaciers dans des sous-sols plus récents montrent qu’à d’autres périodes de son histoire, la planète rouge a connu des âges glaciaires durant lesquels elle était en partie recouverte d’un manteau de glace.
Grâce aux satellites et aux missions spatiales, les chercheurs ont accumulé des informations très précises sur les différents visages de cette petite sœur de la Terre, sur sa géologie et ses reliefs.
« Aujourd’hui nous connaissons mieux la surface de Mars que la surface de la Terre qui est en partie recouverte par les océans », indique François Forget.
A partir de ces observations, des chercheurs du LMD ont commencé à concevoir, au début des années 2000, des modèles pour simuler l’évolution des environnements martiens. Si ces travaux ont été essentiels pour faire avancer la connaissance, certaines des hypothèses qui les sous-tendent sont aujourd’hui remises en cause.
Aujourd’hui nous connaissons mieux la surface de Mars que la surface de la Terre qui est en partie recouverte par les océans
« Dans ces modèles, nous avions négligé certains détails, souligne le chercheur. Par exemple, parce qu’ils sont extrêmement fins, nous ne prenions pas en compte les nuages d’eau sur Mars. Nous connaissons désormais l’importance de leur contribution aux changements climatiques. »
Selon François Forget, l’approximation de ces hypothèses s’explique aussi par la lourdeur des calculs à réaliser pour faire tourner les modèles. Les solutions informatiques disponibles jusqu’alors n’offraient pas les performances suffisantes pour obtenir des simulations en haute résolution. Pour diminuer le temps de calcul, les scientifiques étaient, en effet, contraints de baisser le niveau de résolution, ce qui ne permettait pas de représenter correctement la topographie de la planète ni de prendre en compte les détails de sa surface afin de concevoir des modèles plus justes.
Simuler l’évolution de Mars dans les moindres détails et sur des millions d’années
Dans son projet ERC, François Forget a donc voulu relever ce défi scientifique. Son idée : coupler la création d’un modèle global original de l’évolution de Mars avec de nouveaux moyens technologiques. Pour cela, il va profiter d’une innovation développée au sein du LMD : la création d’un nouveau « cœur dynamique », une avancée informatique qui lui permettra d’accélérer de plusieurs ordres de grandeur la puissance de calcul de son modèle.
Avec son équipe, il bénéficie également au LMD d’un environnement technologique exceptionnel avec l’accès aux centres de calculs de taille intermédiaire de l’IPSL et de Sorbonne Université. Pour accélérer le traitement informatique, il envisage également de faire appel à des centres de calculs plus puissants coordonnés à l’échelle nationale et européenne.
Grâce à ces moyens technologiques et à des collaborations interdisciplinaires, il va pouvoir intégrer dans son modèle « nouvelle génération » tous les détails géologiques et topographiques de Mars dont disposent les scientifiques : l’évolution des glaciers, des rivières, des lacs, le détail des montagnes, l’effet des pentes et des reliefs, etc.
« Nous pourrons alors représenter avec précision l’évolution du climat de Mars sur des millions d’années et en très haute résolution », se réjouit le chercheur.
Le nombre d’énigmes scientifiques que les astrophysiciens pourront aborder grâce à ce nouveau modèle est considérable. Selon François Forget, les applications se comptent par dizaines. L’une d’elle serait à terme d’utiliser cet outil pour développer un « modèle de l’évolution des planètes » et non plus seulement de Mars. Cela permettra peut-être, d’ici quelques années, de résoudre de grandes questions scientifiques, comme l’habitabilité des planètes extra-solaires.
1 Le LMD compte 4 tutelles (Sorbonne Université, CNRS, Ecole polytechnique, ENS) et un partenaire, l’Ecole des Ponts ParisTech. Il est membre de l’Institut Pierre Simon Laplace (IPSL).
2 Sorbonne Université, CNRS, Ecole polytechnique, ENS.
3 Une planète tellurique, en opposition aux planètes gazeuses, est une planète composée essentiellement de roches et de métal, et sa surface est solide.
4 Une exoplanète, ou planète extrasolaire, est une planète située en dehors du système solaire.
5 LATMOS (Sorbonne Université, CNRS, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines)