Anaëlle Afraoui
Etudiante en PCGI et championne de France d’échecs
Le fait de continuer mes études est aussi un moyen pour que les échecs restent une passion. Le statut de sportif de haut niveau proposé à Sorbonne Université me permet de bénéficier d’un aménagement pour concilier les deux
Etudiante en PCGI (physique-chimie-géologie-ingénierie) à Sorbonne Université, Anaëlle a commencé les échecs à l’âge de 5 ans. En 2015, elle devient championne de France des moins de 16 ans, puis vice-championne de France des moins de 18 ans en 2017 et championne de France adulte par équipe en 2018. Elle accède en septembre 2018 aux championnats du monde universitaires au Brésil et devient championne de France d'échecs universitaire en 2019. Malgré son impressionnant palmarès, elle reste toujours fascinée par les possibilités infinies qu’offrent les 64 cases noires et blanches du plateau d’échecs.
Vous êtes étudiante en licence de physique-chimie-géologie-ingénierie. Est-ce que ce parcours scientifique vous aide pour les échecs ?
Anaëlle Afraoui : J’ai toujours été « matheuse » et il est vrai que, dans les échecs, il y a beaucoup de calculs, de logique et de tactique. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il faut aimer les maths pour jouer aux échecs. Il y a aussi de très bons joueurs littéraires.
Le fait de continuer mes études est aussi un moyen pour que les échecs restent une passion. Je n’ai pas envie d’en faire mon métier mais je veux garder du temps pour continuer à m’entraîner pour progresser et développer mes stratégies et ma réflexion. Le statut de sportif de haut niveau proposé à Sorbonne Université me permet de bénéficier d’un aménagement pour concilier les deux. Les enseignants sont prévenus lorsque je pars en compétition et j’ai accès à une salle pour pratiquer les échecs.
Faites-vous partie du club d'échecs de Sorbonne Université ?
A. A. : Le club « Les Fous des Tours » de Sorbonne Université a pour but de promouvoir les jeux de réflexion dont le jeu d’échecs. J’ai joué avec eux pour le trophée des grandes écoles Enst&Young l’an dernier et j’espère que nous pourrons refaire une équipe cette année, notamment à l'occasion des championnats de France universitaire qui auront lieu à Villejuif en 2019.
Les échecs ont été reconnues comme discipline sportive en 1999. En quoi sont-ils un sport de haut niveau ?
A. A. : Si la discipline n'est pas une "activité physique" au sens propre, l'endurance, la concentration, la réactivité et la technicité que l'on retrouve dans toutes les disciplines sportives, sont, elles, bien présentes.
Les tournois peuvent durer plus d’une semaine et les parties s’étendre jusqu’à 6 ou 7 heures d’affilée. Suivie plusieurs fois par mois par un entraîneur, je m’exerce 2 à 3 heures par jour et j’ai des compétitions tous les week-end et pendant les vacances. Pour les préparer, j’analyse les parties de mes adversaires afin d’adapter mon style de jeu.
Comme dans toute compétition sportive, il est nécessaire de savoir gérer son stress et ses émotions pour bien réfléchir.
Il faut également pouvoir s’adapter aux différentes cadences du jeu : des temps longs au départ et des sprints en fin de partie. Les finales sont déterminantes car, quand vous avez joué pendant des heures, la course contre le temps est encore plus difficile à gérer. Pourtant il faut continuer à garder tous ses réflexes et ses aptitudes pour ne pas perdre.
Pour s’entraîner la gymnastique cérébrale ne suffit pas. Il faut aussi faire du sport afin d’améliorer son endurance. C’est pourquoi je cours, je fais de la natation, je marche. Cela fait partie des éléments nécessaires pour être un bon joueur d'échecs.
Qu’est-ce que vous apportent les échecs ?
A. A. : Les échecs m’aident dans de nombreux domaines. Si les compétitions m’ont permis de voyager, de rencontrer des gens, l’entraînement au quotidien a été l’occasion de développer des compétences importantes comme la mémorisation, la logique, l’anticipation et la planification.
En apprenant par cœur les ouvertures et les finales, j’ai amélioré mes stratégies de mémorisation en me créant des cartes cognitives. Cela m’a aidé aussi pour jouer à l’aveugle : pendant que mon adversaire annonce ses coups à l’oral, je peux jouer une trentaine de coups sans regarder le plateau, juste en mémorisant les positions des pièces sur l’échiquier. Cela permet de jouer n’importe où, sans plateau, ni pièces.
En travaillant la tactique, c’est-à-dire ce qui permet de gagner une pièce avec des coups forcés, j’ai aussi développé une grande capacité d’anticipation. Je peux prévoir jusqu’à 7 coups à l’avance. C’est ce que nous appelons aux échecs la profondeur de calcul. Cette capacité d’anticipation m’aide aussi, dans ma vie de tous les jours, par exemple, pour déterminer mon parcours de formation à l’université puis mes choix professionnels parmi plusieurs possibles.
Quel rapport entretiennent, selon vous, les échecs et l’ordinateur aujourd’hui ?
A. A. : La résolution complète du jeu d'échecs reste inatteignable en raison de sa complexité. Le nombre de parties possibles est beaucoup trop important pour être entièrement stocké dans un ordinateur. Mais la machine domine l’homme depuis 20 ans et la victoire de l’ordinateur Deep blue contre Kasparov en 1997.
S’entraîner avec des ordinateurs a des bons et des mauvais côtés. Cela permet d’avoir un retour plus rapide sur les meilleurs coups à jouer. Mais, contrairement à un manuel d’échecs, cela ne nous explique pas en quoi il s’agit d’un bon ou d’un mauvais coup. Travailler avec des livres en parallèle me permet de trouver d’autres idées, d’élaborer de nouveaux plans d’attaque.