photo d'Anne Sauvadet (docteure SU)

Anne Sauvadet

Chef de projet de recherche clinique chez Urgo RID

Ce métier me permet de continuer à participer activement à la recherche et de publier.

Anne Sauvadet, docteur alumna Sorbonne Université a soutenu sa thèse en biologie, sur les effets cardiaques du glucagon en 1996. Elle travaille depuis près de 20 ans chez URGO RID en recherche clinique. Elle est passée par une CRO (Contract Research Organisation) en début de carrière pendant plus de 3 ans, puis rapidement dans l’industrie pharmaceutique : Sanofi Synthélabo et Astra Zeneca pour intégrer durablement URGO, entreprise basée à Chenôve près de Dijon en 2001. Elle est venue à la rencontre des doctorants lors d’une conférence carrière digitale en avril 2020, pour leur faire découvrir son métier et leur donner des conseils pour entrer en entreprise.

 

Comment avez-vous trouvé votre premier poste ?

J’ai assisté à une session d’information sur les métiers au CEA de Saclay après ma soutenance, j’y ai découvert la recherche clinique. Cela m’a captivée. J’ai mis 6 mois pour trouver un poste chez ITCA (International Clinical Trial Association), une CRO. Les CRO sont des structures qui aident les entreprises pharmaceutiques dans leur recherche clinique. Pendant ce temps de carence de 6 mois, pour rester dans la logique du travail, je me suis lancée dans des compétitions de tennis tandis que je cherchais un poste via des annonces dans Courrier cadres. Attirée par la recherche clinique, mais connaissant peu voire pas du tout le domaine, c’est en autodidacte que j’ai essayé de comprendre la recherche clinique. Finalement, j’ai commencé en juillet 1997 en remplacement d’une Chef de Projet en congé maternité et j’y suis restée plus de 3 ans. J’étais attachée de recherche clinique basée au siège. J’aidais les médecins investigateurs à mener leurs protocoles de recherche clinique. J’ai beaucoup appris. J’ai dû m’adapter. Le fait de travailler en CRO donne des armes. Dès que le docteur a une expérience terrain, il est chassé. J’ai eu plusieurs propositions d’emploi.
 

Vous êtes chez URGO depuis près de 20 ans. Comment y êtes-vous entrée et quel est votre poste ?

Attirée par la région Bourgogne, j’avais initialement déposé ma candidature chez URGO en 1998. Le directeur médical m’a contacté 3 ans plus tard pour me proposer un poste en CDD, j’ai refusé et il m’a proposé un CDI 48h après. J’ai fait une rupture conventionnelle avec AstraZeneca en septembre 2001. Depuis, je travaille chez URGO sur la cicatrisation de plusieurs modèles de plaies chroniques (pieds du diabétique, ulcère de jambe, escarre) ou plaies aigues. La cicatrisation est une question médicale majeure. L’avantage de travailler sur des dispositifs médicaux, contrairement aux médicaments, est le temps de développement court : l’entreprise peut sortir un produit en 5 ans alors que pour un médicament il faut 10-15 ans. Actuellement, je suis chef de projet de recherche clinique. Je supervise 4 ARC (Attachée de Recherche Clinique). Je voyage beaucoup dans de nombreux centres investigateurs en Europe et même aux USA pour assister à des congrès et accéder au marché américain. Je suis en étroit contact avec les soignants. Je dois être multipotente dans ce métier (contrats, réglementions, planification, budget…). Le relationnel doit être très développé. Ce métier me permet également de continuer à participer activement à la recherche et de publier. Nous avons publié dans le Lancet, il y a 3 ans par exemple. Dès que l’on a identifié une molécule qui accélère la cicatrisation de plaie, on passe aux études cliniques. Le plus dur pour nous est le décryptage du mode d’action sur le processus cicatriciel. Plusieurs doctorants travaillent sur ces modes d’actions chez URGO Recherche actuellement.

Quels sont vos conseils aux doctorants qui souhaitent rentrer dans la recherche clinique ?

Renseignez-vous sur le métier, contactez des gens qui font ce métier pour avoir le verbatim de la recherche clinique (promoteur, investigateur, centre investigateur, ARC, CRO…), appropriez-vous le langage du métier. Il y a le site Clinicaltrial.gov qui répertorie les essais cliniques, vous y trouverez les mots clé, les critères principaux, les critères de sélection des patients….
Si vous voulez, vous pouvez suivre une formation complémentaire mais c’est bien aussi de faire une petite expérience en CRO de quelques mois comme l’entreprise où j’ai commencé qui prend des jeunes docteurs. Les entreprises regardent beaucoup l’expérience.
Réussir son entretien d’embauche est essentiel. Je recommande de participer à des sessions de formation avec mise en situation et jeux de rôle. J’avais suivi une telle formation avec l’ANPE qui a été une clé pour ma carrière. Ensuite, ayez de la curiosité sur l’entreprise que vous visez, montrez que vous êtes une graine, que vous allez apporter un plus à l’entreprise. Il faut bien étudier cette entreprise : en lisant des articles, leurs publications. Apprenez tout sur cette société. Ce sera utile lors des entretiens. Il faut cibler où vous voulez apporter vos compétences. Montrez que vous avez compris l’entreprise et que vous pourriez y être un acteur, plein de ressources, que vous êtes facilitateurs pour travailler en équipe. Trouvez votre voie. Elle n’est pas toute tracée. Ayez confiance. Actuellement URGO RID travaille sur les biomatériaux, sur l’étude des pansements à l’argent par exemple. URGO est également en train de développer des dispositifs médicaux connectés. Cette demande explose avec la crise sanitaire liée au Covid. Le principe est de faire des photos d’une plaie pour détecter s’il y a une infection, pour calculer le taux de fibrine ou de tissu de granulation par exemple. C’est un système qui permet de faire de la télémédecine et est accompagné du développement d’un logiciel pour smartphone.

Vous auriez un docteur à recruter, que rechercheriez-vous en terme de personnalité ?

Le jeune docteur doit savoir être humble, se dire qu’il a tout à apprendre et qu’il ait envie. S’approprier les codes de l’entreprise, c’est une des choses importantes. Les médecins doivent passer par un stage d’aide-soignant puis d’infirmier pour comprendre le métier. Pour la recherche clinique c’est identique. Il est nécessaire de comprendre les rouages du métier et commencer par le terrain. Ne pas hésiter à faire des rapports d’étonnement à ses pairs, c’est très apprécié par l’entreprise. Le docteur doit savoir se bâtir et faire des propositions d’amélioration. De plus, il faut savoir aussi qu’en recherche clinique, toutes les missions ne sont pas à haute valeur ajoutée et assez bureaucratique.
 

Quelle est la grille salariale pour les jeunes docteurs ?

URGO est basée en province donc les salaires sont moins élevés qu’à Paris mais nous gagnons en qualité de vie en étant seulement à 1h30 de la capitale en TGV. Le salaire net pour un jeune docteur est autour 2200 euros pour commencer avec, en fonction du contexte, 2-5 % d’augmentation chaque année au cours de sa carrière. Les salariés sont payés sur 13 mois + 2-3 mois de salaire en plus grâce à l’intéressement et à la participation qui restent bloqués sur un compte 5 ans. Sachez aussi que URGO Recherche Innovation et développement (URGO RID) bénéficie du crédit impôt recherche. Quand l’entreprise embauche un jeune docteur qui participera à un projet innovant, l’état abonde pendant 3 ans pour l’entreprise. C’est un argument à mettre en avant.

Le mot de la fin ?

Le doctorat est un diplôme très précieux, c’est un diamant pour se frayer un chemin dans le monde de l’entreprise. Nos capacités de travail, de compréhension et de flexibilité sont très recherchées.