Christophe Huchet © Pierre Kitmacher

Christophe Huchet

Membre affilié à l’ISIR et ancien sportif paralympique de haut niveau

Avec ce projet de prothèse, j'ai le sentiment de contribuer à la société

Né avec un seul bras, l’ancien sportif de haut niveau, Christophe Huchet, s’est associé en 2019 avec une équipe scientifique de l’Institut des systèmes intelligents et robotique (CNRS/Inserm/Sorbonne Université) pour expérimenter une nouvelle prothèse technologique. 

À 55 ans, Christophe Huchet donne l’impression d’avoir eu plusieurs vies. « J’ai un parcours atypique, mais chacune des étapes a forgé l’homme que je suis aujourd'hui », exprime celui qui est coach en entreprise depuis deux ans. Prêter main-forte aux cadres, dirigeants ou salariés confrontés à des problèmes liés à leur activité professionnelle (surmenage, perte de confiance, accompagnement dans un nouveau poste…), comme il le fait actuellement, n'a pas été son seul métier. Auparavant, Christophe Huchet a été successivement gérant pendant 19 ans de cinq restaurants à Paris, avant de tous les revendre. Plus jeune, il s’est aussi consacré pendant deux ans à la natation. Un loisir devenu passion qu’il a commencé en bas âge. « À 16 ans, j’ai été repéré par un club et tout s’est enchaîné. Dans ma vingtaine, je me suis jeté à l’eau, et j'ai pris deux ans pour voir où la natation pouvait me mener. Pendant cette période, j’ai été sponsorisé et pu gagner de l’argent grâce à mon sport. J’ai même caressé l’idée de participer aux Jeux Olympiques ». 

Amendement « Huchet »

Un rêve d’autant plus grand que Christophe Huchet a une particularité : il lui manque l’avant-bras droit et une amorce du coude. Atteint d’une agénésie transhumérale de naissance, le nageur concourt tout de même pendant des années sur le 100 m brasse, dans la catégorie valide lors des compétitions. « Tant que notre chrono était règlementaire, cela ne posait pas de problème ». Mais, son handicap lui revient en pleine figure en 1995. « Je gagne une course, mais le jury décide de me disqualifier, retrace-t-il, encore un peu amer. Pour donner la victoire à un nageur, il faut que celui-ci touche le mur, aux virages et à l’arrivée. Vous comprendrez que dans mon cas, c'était impossible ». 

Le début d’une phase difficile pour lui. « Pendant deux ans, j’étais systématiquement disqualifié pour cette raison. Un jour, j’ai pris tout le monde à partie pour faire valoir cette injustice et j’ai finalement été entendu ». Un amendement portant son nom et publié en 1997 permet depuis lors aux nageurs invalides de s'aligner aux côtés des valides, uniquement dans les sections amateurs. Son envie de JO est donc renvoyée aux Jeux paralympiques. Dans son viseur : ceux de Sydney, en 2000. « Mais je n’ai malheureusement pas pu y participer. J’ai eu une crise de panique et j’ai loupé les qualifications ». 

« Pilote » d’une innovation technologique

Une carrière de sportif qui sera le point de départ d’une nouvelle aventure pour Christophe Huchet. En 2019, il est contacté par une équipe de recherche de l’Institut des systèmes intelligents et robotique (ISIR) - installée sur le campus de la faculté des Sciences et Ingénierie de Sorbonne Université - travaillant sur la conception d’une nouvelle prothèse fonctionnant grâce à la force électromotrice produite par les muscles durant les phases de contraction. Pour leur recherche, Christophe Huchet est le candidat idéal : beaucoup de terminaisons nerveuses ont été mises à jour grâce à ses années de sport à haut niveau. « Pour eux, c’était la promesse d’une expérimentation plus riche, car ils avaient des informations plus facilement exploitables », explique l’ancien nageur, qui a été immédiatement séduit tant par le projet que l’équipe de chercheuses et chercheurs de l’ISIR. « Quand ils m’ont présenté les choses, j’ai tout de suite senti une vraie alchimie. J’ai été particulièrement impressionné par l’humilité de ces gens brillants. Tout cela avait du sens pour moi ». 

Christophe Huchet obtient dans la foulée le statut de « membre affilié à l’ISIR » et devient “le pilote” du projet. Le but est simple : savoir utiliser cette prothèse comme on pourrait se servir de son bras. Autrement dit, être en mesure de réaliser le maximum de gestes au quotidien. Ce qu’est parvenu à faire au fur et à mesure Christophe Huchet. Pour tester davantage leur prothèse, l’équipe de l’ISIR participe au Cybathlon Challenges, une compétition internationale durant laquelle des athlètes en situation de handicap s’affrontent lors d’épreuves reposant sur l'utilisation de technologies d'assistance bionique. En mai 2022, la seule équipe française en lice dans la compétition concourt dans la catégorie Arm Prothésis Race et remporte l’épreuve. Christophe Huchet, pilote de l’équipe, devait entre autres, dans un temps imparti, déplacer des objets du quotidien d’un point A à un point B seulement à l’aide de la prothèse. Une prouesse réalisée en 2 minutes et 27 secondes.

Une performance dont il tire une certaine fierté, mais sans commune mesure avec celle de faire partie de cette aventure depuis le début. « Avec ce projet de prothèse, j'ai surtout le sentiment de contribuer à la société. Notamment en donnant les clés du fonctionnement de cette prothèse qui a vocation à améliorer la vie de beaucoup de personnes ».