Rasika Fernando

Fernando Rasika

Docteur Sorbonne Université 2010, responsable sectoriel aéronautique et spatial chez Bpifrance

J’ai toujours eu au fond de moi l’envie d’être au service de l’Etat, travailler sur une mission pour le bien commun

Rasika Fernando, après une thèse CIFRE chez Airbus, un CDD à l’Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales (Onera) et un passage de plus de 10 ans chez Safran Aircraft Engines en tant qu’ingénieur de recherche puis responsable de programme, est entré chez Bpifrance en septembre dernier en tant que responsable sectoriel aéronautique et spatial. Ancien ambassadeur Safran pour Sorbonne Université, il a volontiers répondu à nos questions.  


Rasika Fernando, pouvez-vous nous retracer sommairement votre parcours académique ?
Dès la fin de master 1, j’ai fait mon stage au Laboratoire de Modélisation en Mécanique (LMM) qui est devenu l’Institut Jean Le Rond d’Alembert. Durant mon année de master 2, François Coulouvrat et Régis Marchiano m’ont proposé une thèse CIFRE chez Airbus, qui a démarré après mon stage de fin d’études. Le sujet portait sur le développement et la validation de méthodes de calculs non linéaires pour le bruit d’onde de chocs des turboréacteurs d’avion. Ce fut une très belle expérience et j’ai notamment eu la chance de passer la seconde moitié de ma thèse chez Airbus à Toulouse. A la suite de ma thèse, Airbus m’a proposé un CDI mais je voulais poursuivre dans la recherche et je suis entré à l’Onera en CDD en janvier 2010 avec l’espoir d’obtenir un CDI. Je travaillais sur des méthodes de simulation numérique en acoustique et aéroacoustique pour caractériser les effets d’installation de moteurs sur des nouveaux avions sur leurs émissions sonores. J’y suis resté jusqu’en avril 2011.


Vous avez finalement, rejoint l’industrie. Comment cela s’est-t-il passé ?
Pendant que j’étais à l’Onera, j’ai participé à des projets européens. A cette occasion, j’ai rencontré un ingénieur du  département d’acoustique de Safran Aircraft Engines (qui s’appelait encore Snecma à l’époque) et qui m’a proposé une opportunité de travailler en binôme avec lui à l’issue de mon CDD. Je suis entré dans cette entreprise en avril 2011 sur le site de Villaroche sur un poste d’ingénieur acousticien, pour m’occuper principalement d’essais en soufflerie qui avaient pour but de caractériser le bruit des  hélices contrarotatives, pour les moteurs du futur. Durant cette expérience, qui a duré 6 ans, j’ai aussi eu l’opportunité de diversifier mes activités notamment d’encadrer des stagiaires de fin d’études et des doctorants, de faire du pilotage de projets, de la gestion de planning, du suivi de budget. Cela m’a donné envie de renforcer mon expérience dans le management transversal et m’orienter vers le pilotage de programmes. Après mon expérience au département d’acoustique, j’ai donc eu l’opportunité de m’occuper durant 3 ans et demi de programmes R&T (Recherche & Technologie) financés par l’Etat français, sur des sujets techniques très variés, pour préparer les moteurs du futur de Safran Aircraft Engines.  L’année de mon changement de poste, je me suis inscrit en cours du soir en Master d’Administration des Entreprises (MBA-MAE) à l’IAE de Paris, pour compléter ma formation initiale et mon expérience essentiellement technique par des connaissances en finance, stratégie, droit et d’autres matières nécessaires à la gestion d’entreprise. J’ai ensuite pu valoriser mon diplôme, lors de mon changement de poste en mars 2020, lorsque je suis devenu adjoint du Directeur du Programme LEAP-1A, le moteur qui équipe les Airbus A320Neo. C’était un beau poste, plus opérationnel, qui a constitué également une belle évolution vers une instance décisionnaire, avec beaucoup de responsabilités. J’ai occupé ce poste jusqu’en septembre 2021.


Pourquoi BPIfrance ensuite ?
 Je n’étais pas en train de chercher un poste mais j’ai vu une offre de BPIfrance sur LinkedIn pour un expert en aéronautique et spatial. La mission était d’opérer les dispositifs d’aide d’état (Plan de relance, Programme d’Investissement d’Avenir) pour le financement de l’innovation des entreprises de ces filières et pour soutenir toutes les autres activités de Bpifrance qui demandent une expertise technique et économique sur ces secteurs. J’ai eu un coup de cœur ! J’ai toujours eu au fond de moi l’envie d’être au service de l’Etat, travailler sur une mission pour le bien commun.


Parlez-nous de Bpifrance ?
La Banque Publique d’Investissement compte plus de 3000 collaborateurs et collaboratrices en Ile-de-France et dans 50 implantations en région, pour la partie banque de réseau, y compris en Outre-mer. Les profils dépendent des fonctions mais il y a aussi des ingénieurs. Au sein de la direction à laquelle j’appartiens - la Direction des Filières Industrielles qui fait partie de la Direction de l’Expertise, elle-même au sein de la Direction de l’Innovation -  il y a majoritairement des ingénieurs et des docteurs spécialisés sur un ou plusieurs secteurs d’activités, ayant également une double compétence par exemple en finance, MBA ou en management de l’innovation. Parmi les responsables sectoriels, il faut compter une trentaine de profils mixtes. Par ailleurs, des chargés d’affaires avec des profils plus généralistes œuvrent en région pour être au plus près des entreprises afin de les accompagner dans leur croissance. Au niveau de l’ambiance, l’équipe est jeune, dynamique avec le souci du bien commun. Nous travaillons pour revitaliser le tissu industriel français quel que soit le secteur.


Que faites-vous au quotidien ?
Le quotidien est varié. La mission principale est l’instruction des dossiers. En tant que responsable sectoriel, je traite les réponses des entreprises françaises aux différents appels à projet émis par la Direction Générale des Entreprises du Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance. Après réception des dossiers, je lis les descriptifs, parfois je contacte les porteurs des projets, puis je donne un avis sur la pertinence technique du projet et la crédibilité de son plan de financement. Cela me permet d’avoir une vision d’ensemble de l’état de ces secteurs et de leur grands enjeux, ce qui est très intéressant. Le deuxième volet est l’accompagnement des autres secteurs de Bpifrance en termes de conseil. S’ajoute à ces deux volets, la phase dite d’animation sectorielle, c’est-à-dire la diffusion au sein de la banque, de l’actualité, les grands enjeux des secteurs aéronautique et spatial et la participation à des groupes de réflexion. Par exemple, je participe actuellement à un groupe de réflexion sur le futur de l’aviation pour permettre à Bpifrance de se doter de ses propres convictions sur les moyens que la filière doit mettre en oeuvre pour atteindre la neutralité carbone qui fait l’objet de tant de débats.


Quels sont les conseils que vous donneriez aux doctorantes et doctorants ?
Tout d’abord de prendre plaisir au travail de recherche que vous êtes en train de mener et d’en profiter pour développer son savoir et ses compétences également sur des domaines connexes. Pour celles et ceux qui se sentent une âme d’entrepreneur, avec un sujet de thèse qui peut faire l’objet d’une création d’entreprise, il faut évidemment se former sur les bases de finance et de marketing, savoir faire une étude de marché, monter un business plan, pitcher pour présenter son projet à de potentiels investisseurs, être au courant des différents dispositifs d’aide (dispositifs Deeptech opérés par Bpifrance par exemple !) etc... Il faut aller au bout de son idée et mettre toutes les chances de son côté pour amener sa technologie ou son service jusqu’au marché !
Une thèse est une expérience sans pareil dans une carrière, dans laquelle nous sommes amené à s’impliquer à fond car l’on travaille également pour soi et pour son diplôme à la clé. Il faut aussi profiter autant que possible des connaissances de ses encadrants, sans avoir peur de leur dire que vous n’êtes pas sûrs d’avoir compris lorsque certaines explications peuvent être un peu trop rapides. Ce conseil reste valable durant toute la carrière, car lorsque vous débuterez un nouveau poste, il faut accepter d’être en phase d’apprentissage au début, avant d’être pleinement productif.
Ensuite, ce qui m’a toujours aidé dans mes phases de transition est d’avoir des contacts. Tissez des liens dès que l’occasion se présentera. Lors de congrès, allez discuter avec les gens, faites-vous un réseau, certaines personnes rencontrées pourraient vous proposer des opportunités ou vous éclairez dans vos réflexions de choix de carrière (et réciproquement !). Il faut savoir saisir ces opportunités quand elles se présentent. Parfois, il faut provoquer les opportunités mais parfois cela peut être le fruit du hasard et là, il faut savoir détecter la bonne opportunité. Les moments informels sont  importants aussi, il faut avoir cela en tête. A tout moment, toute rencontre, toute activité peut permettre d’alimenter votre réflexion.
A la sortie du MBA, j’ai envisagé d’autres orientations de carrière en dehors de Safran, dans le conseil par exemple, mais une belle opportunité s’était présentée à moi au sein de l’entreprise et donc j’ai préféré rester. Nous avons la chance d’avoir des réseaux sociaux professionnels très développés aujourd’hui, pour faire des recherches et entrer en contact avec des profils intéressants. En phase de recherche d’emploi, je vous conseille d’être actifs sur ces réseaux et d’être entreprenant. Personnellement, j’essayais de mener en moyenne 1 à 2 actions par jour (préparer un CV et/ou une lettre de motivation, prendre contact avec quelqu’un, répondre à une offre etc…).  J’accepte d’accorder du temps à des doctorantes ou doctorants s’ils me contactent. Moi-même j’ai fait du benchmark.