Hubert Bonnefond
Docteur en océanographie et co-fondateur de la start-up Inalve
La création d’une start-up est une aventure très riche où l’on apprend beaucoup et qui ressemble davantage à un marathon qu’à un sprint
Vous avez fait une thèse sur les microalgues au Laboratoire d'Océanographie de Villefranche-sur-Mer (LOV). Pourquoi ?
Hubert Bonnefond : Après des études en agronomie, j’ai intégré le LOV en tant qu’ingénieur sur un projet portant sur le développement des microalgues comme biocarburants. L’énergie de demain étant un enjeu actuel au cœur de mes préoccupations, ce projet, qui mêlait biologie végétale et agriculture, m’a tout de suite passionné.
Antoine Sciandra, directeur du LOV, m’a ensuite proposé de poursuivre en thèse au laboratoire où j’ai pu travailler pendant trois ans sur l’optimisation de la production des microalgues. L’objectif était de sélectionner les souches les plus productives et les plus résistantes pour une culture industrielle dans le secteur des biocarburants, de l’alimentation animale ou de la cosmétique.
Comment êtes-vous passé du monde de la recherche académique à celui de l’entreprenariat ?
J’ai pris conscience, lors de ma thèse, que le transfert de technologie entre laboratoire et industrie n’est pas évident et qu’il y avait un gros travail à faire en ce sens. Même les laboratoires d'excellence en sciences appliquées font des études souvent très en amont des préoccupations de l’industrie qui a des impératifs de commercialisation sur de courtes échelles de temps. Entre les deux, il manque un maillon. Ce maillon correspond le plus souvent à la start-up qui endosse le risque immense du transfert technologique et permet de montrer l’applicabilité de ce qui est produit par le monde académique.
Mon profil pluridisciplinaire m’a permis de mettre mes compétences aux services de mes convictions pour valider, dans un cas particulier, ce transfert technologique. Durant mon dernier semestre de thèse, j’ai rencontré Christophe Vasseur. Sa volonté d’entreprendre et la complémentarité de son parcours, associées à une technologie de rupture sur la culture des microalgues issue de Sorbonne Université et de l’Inria ont conduit, en 2015, à la création d’une start-up : Inalve.
Grâce à Inalve, nous avons validé des technologies développées en laboratoire n’ayant pas encore été éprouvées. Nous avons montré leur potentiel pour ensuite pouvoir les industrialiser. Cette étape de preuve du concept est difficile : c’est un véritable engagement moral, financier et temporel.
Quels sont les objectifs de votre start-up Inalve ?
Nous savons que la population mondiale augmente de façon exponentielle et que les besoins en protéines explosent. Or, actuellement, les animaux d’élevage et notamment les poissons, sont nourris avec des farines de poissons. Il faut produire de plus en plus de farines et donc pêcher de plus en plus de petits poissons en pleine mer, ce qui participe à l’épuisement des ressources marines.
Notre idée est de remplacer ces farines de poissons par des farines de microalgues, très riches en protéines de qualité. Nous avons sélectionné, en partenariat avec le LOV et l’Inria, des souches de microalgues particulièrement productives et résistantes. Nous avons également développé un procédé de culture innovant sous forme de biofilm qui permet de récolter facilement les microalgues et baisser considérablement les coûts de production. Cette innovation permet d’avoir un système de production économiquement viable, ce qui n’était pas le cas avec les technologies de culture classiques.
Nous avons bénéficié, pour cela, de l’expertise scientifique du LOV ainsi que du pôle de transfert de technologie de l’Inria.
Quelle sera la suite de vos projets ?
Avec Inalve, nous avons remporté plusieurs prix dont le concours mondial de l’innovation en phase 1 et 2. Ces prix nous ont permis de financer le développement de la technologie de production et de valider notre preuve de concept.
Nous devons désormais changer d’échelle et passer de quelques mètres carrés de culture à un hectare. Pour financer le déploiement de cette nouvelle technologie à un niveau industriel, nous finalisons une levée de fonds et espérons passer d’une équipe de deux personnes à une petite dizaine en 2019.
Par ailleurs, si notre rêve est de nous positionner sur le marché de la nutrition animale pour répondre à la pénurie annoncée de protéines, notre premier marché se trouve dans l’ostréiculture et la santé animale. Aujourd’hui trop d’antibiotiques sont utilisés dans les élevages. Les microalgues, riches en bonnes molécules pour la santé comme les oméga 3 ou certains sucres complexes, constituent une alternative très intéressante pour diminuer les doses d’antibiotiques.
Que conseilleriez-vous à un étudiant qui veut se lancer dans la création d’une start-up ?
La création d’une start-up est une aventure très riche où l’on apprend beaucoup et qui ressemble davantage à un marathon qu’à un sprint. Pour mener à bien ce travail de longue haleine, il est nécessaire de bien s’entourer car l’aspect humain est primordial. Il faut, entre autres, s’associer avec des personnes ayant des compétences complémentaires.
Par ailleurs, le statut d’étudiant-entrepreneur est un atout qui permet de bénéficier de nombreuses aides. Mais l’idée selon laquelle les jeunes manquent d’expérience est encore largement répandue en France. Il faut donc faire preuve d’assertivité dans son projet pour montrer que, malgré notre jeune âge, nous pouvons réussir.