Sara Bizzotto
Post-doctorante et lauréate d'une bourse Marie Skłodowska-Curie Actions
Pour postuler pour un post-doc, la première chose à faire est d’envoyer un mail aux directeurs de laboratoire, accompagné d’un CV montrant les publications et une « cover letter » où est expliqué pourquoi rejoindre le laboratoire a du sens pour soi
Sara Bizzotto, docteure Sorbonne Université en génétique et neurodéveloppement, est venue à la rencontre des doctorantes et doctorants à l’occasion d’une conférence carrière digitale le 1er juin dernier. De retour des États-Unis après un post-doc dans un prestigieux laboratoire de Boston, elle a relaté son parcours et a donné bon nombre de conseils pour la préparation réussie d’un post-doc à l’étranger, notamment outre-Atlantique.
Sara est italienne. Elle a fait sa thèse en France, à l’Institut du Fer à Moulin de Sorbonne Université sous la direction de Fiona Francis et a travaillé sur les malformations liées au développement du cerveau. Elle a soutenu sa thèse en juin 2016 et est ensuite partie l’automne suivant aux États-Unis pour rejoindre le laboratoire de Christopher Walsh au Boston Children’s Hospital (Harvard Medical School), laboratoire de renommée internationale. Elle vient de publier son travail de post-doctorat dans Sciences. Fort de cette importante reconnaissance de ses pairs, elle est de retour sur le sol européen grâce à une bourse de la Commission Européenne Marie Skłodowska-Curie Actions, et elle va rejoindre l’Institut du Cerveau à Paris en septembre 2021, dans l’équipe de Stéphanie Baulac. Elle y étudiera la génétique de l’épilepsie. Selon ses propres termes, les travaux de recherche qu’elle entamera en septembre lui permettront de préparer les concours d’entrée à l’INSERM ou au CNRS afin de mettre en place une équipe de recherche autour de ses thématiques scientifiques.
Son séjour aux États-Unis est motivé par son appétence pour les voyages et son envie d’essayer quelque chose d’autre. Selon elle, les États-Unis sont réputés un pays où la recherche avance très vite. Elle se rappelle « J’avais la possibilité de rejoindre un grand laboratoire dans une institution prestigieuse. Je me suis dit que c’était une occasion à ne pas manquer mais je ne suis pas partie aux États-Unis dans l’intention d’y rester ». Pour trouver un laboratoire aux États-Unis, Sara a anticipé son départ près d’un an avant. Elle a commencé à contacter des laboratoires liés à son domaine et qu’elle connaissait mais où il y avait la possibilité d’apprendre quelque chose de nouveau. Son conseil : « La première chose à faire est d’envoyer un mail aux directeurs de laboratoire, accompagné d’un CV montrant les publications et une « cover letter » : une lettre où est expliqué pourquoi rejoindre le laboratoire a du sens pour soi ». Elle se souvient avoir reçu 5 ou 6 réponses positives après avoir envoyé les lettres de recommandations demandées par les laboratoires. Deux lettres sont généralement nécessaires, une du directeur de thèse et une d’une autre personne : un membre jury de thèse par exemple. Sara a été ensuite invitée à visiter les laboratoires, visites qu’elle a effectuées à l’occasion d’un mois passé aux États-Unis après un congrès de la société de Neurosciences américaine. Pour Sara, il est très important de visiter le laboratoire pour se faire une idée de l’ambiance et rencontrer les collègues. Elle l’a accepté d’entreprendre son post-doctorat avec C. Walsh une semaine avoir eu son entretien avec lui.
Comment construire un sujet de recherche post-doctoral ? Comment le financer ? Dans le cas de Sara, qui a effectué son stage post-doctoral dans un grand laboratoire, C. Walsh lui a laissé la liberté de sujet. Lorsqu’elle se remémore l’entretien avec lui, elle se souvient qu’il lui a exposé toutes les possibilités de recherche. De son coté, elle avait comme fil directeur le fait qu’elle souhaitait travailler sur le développement du cerveau en utilisant du tissu humain. C. Walsh aurait pu prendre en charge directement le salaire de Sara, mais il l’a poussée à chercher une bourse et pour obtenir cette bourse, écrire un projet de recherche. C. Walsh a jugé que ce serait mieux pour le CV de Sara qu’elle ait obtenu sa propre bourse. Aux États-Unis, de nombreuses bourses venant du privé, des fondations ou de la NIH (National Institutes of Health) existent. Sara avertit qu’en Europe, des bourses comme Marie Curie demande le retour sur le territoire après trois ans.
Question vie pratique, Boston est réputée pour être une ville plus chère que Paris. En résumé : prévoir au moins 1 500/2 000 dollars par mois pour se loger. En comparaison le salaire est d’environ 3 400 dollars nets par mois (salaire donné par la NIH, un peu plus avec les bourses) et n’est pas assujetti aux impôts pendant les deux premières années. Néanmoins, une mutuelle pour couvrir les frais médicaux est obligatoire, elle est prise en charge en partie par le laboratoire mais il faut prévoir 150-170 dollar par mois déduits du salaire. Sara n’a pas cotisé pour la retraite et la prise en compte parait un peu compliquée. À savoir également, Boston est une ville où avoir une voiture n’est pas obligatoire car il y a des transports en commun. Les Européens peuvent conduire aux États-Unis avec leur permis pendant un an. Passé ce délai, le permis américain est requis.
Et l’ambiance dans le laboratoire ? Sara retient de son expérience que les américains sont toujours prêts à aider pour les aspects administratifs. Par contre, il faut gérer la compétition entre chercheurs même si elle n’en a pas trop souffert. Question propriété intellectuelle, il faut tout laisser au laboratoire comme en France lors du départ.
En définitive, que retenir d’une expérience de post-doctorat ? Le post-doctorat permet-il d’acquérir de nouvelles compétences par rapport à l’expérience du doctorat ? « Nous apprenons à être plus indépendants, à gérer du personnel ainsi que des ressources matérielles et un budget ». Sara se remémore : « En tant que post-doc, je devais gérer l’achat de produits. Tous les 6 mois, je devais évaluer les besoins. Chris m’a proposé de diriger des étudiants mais je n’ai pas souhaité le faire car j’étais pressée de rédiger mon article. Aux États-Unis, les post-doctorants peuvent demander à enseigner ou encadrer. Il suffit d’en parler avec le directeur du laboratoire. Pendant le post-doctorat, nous prenons conscience de ce qu’est la recherche, la gestion d’un laboratoire. Le post-doctorant ou la post-doctorante peut réaliser que l’académie ce n’est pas pour elle ou lui et préférer travailler dans le privé ».