Dénicher une boucle dans un tas de chromosomes

Des chercheurs du Laboratoire de Physique Théorique de la Matière Condensée (Sorbonne-Université, CNRS) ont développé une approche basée sur l’analyse spectrale pour détecter dans les structures 3D des chromosomes la présence de boucles, souvent impliquées dans l'expression des gènes. Publiée dans Nature Communications, cette approche facilite l’analyse des architectures chromosomiques et ouvre de nouvelles perspectives pour l'étude du génome.

Les chromosomes, qui contiennent l'intégralité de notre information génétique, adoptent des structures tridimensionnelles complexes au sein du noyau des cellules. Parmi ces structures, la formation de boucles est essentielle, car elle permet de rapprocher physiquement des régions distantes de l’ADN, facilitant ainsi l’interaction entre ces régions et jouant un rôle clé dans la régulation de l'expression des gènes.

La compréhension des mécanismes sous-jacents à la formation et au maintien de ces boucles chromosomiques est cruciale pour déchiffrer les processus de régulation génomique. Des techniques expérimentales de plus en plus avancées sont développées à cette fin. L’imagerie par FISH (Fluorescence In Situ Hybridization) en particulier, permet aujourd’hui de visualiser le chemin suivi par un chromosome en marquant avec des sondes fluorescentes, de manière séquentielle, des séquences spécifiques le long du chromosome qui sont ensuite visualisées l’une après l’autre. L’expérience est répétée sur des centaines, voire milliers de cellules fixées, de manière à avoir une statistique suffisante.

Cependant, ces données ont une résolution limitée et sont difficiles à exploiter. Pour analyser les données obtenues, des chercheurs du LPTMC (Sorbonne-Université, CNRS) ont utilisé une approche inspirée de la physique des systèmes oscillants, et décomposé les trajectoires des chromosomes en composants élémentaires, ou "modes", chacun correspondant à une oscillation de longueur d’onde et d’amplitude spécifiques.

Cette méthode, similaire à la façon dont on décomposerait les vibrations d'une corde en différentes fréquences, nous a permis d'identifier des "motifs" caractérisant la présence de boucles, par rapport au cas de chromosomes non bouclés.

La méthode s’avère puissante pour détecter les boucles chromosomiques dans ces grands ensembles de données expérimentales, aussi bien au niveau d'une population de cellules qu'au niveau d'une seule cellule, grâce à une phase d’analyse ultérieure par réseau de neurones. Validée en utilisant des données expérimentales obtenues par FISH, l’approche a ensuite été appliquée à des données expérimentales récentes, fournissant une description détaillée et statistiquement quantifiée de l'architecture globale de la région chromosomique étudiée.

L'utilisation de l'analyse spectrale permet d’éviter les détails de petite échelle qui pourraient compliquer l’analyse, pour se concentrer sur les caractéristiques à grande échelle, comme la présence d’une boucle. En retour, la détection de boucles permet une meilleure caractérisation de l'état de repliement d'une région chromosomique, qui serait faussée autrement.

La méthode spectrale développée pourra également être appliquée pour analyser divers aspects complexes du génome, comme les variations de densité ou l’organisation en compartiments, ce qui ouvre la voie à de futures recherches.

 


Références : Liefsoens, M., Földes, T., & Barbi, M. (2024). Spectral-based detection of chromatin loops in multiplexed super-resolution FISH data. Nature Communications, 15(1). https://doi.org/10.1038/s41467-024-51650-w

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Maria Barbi

Professeure