Rebecca Churamani
Prix du jury à Ma thèse en 180 secondes et doctorante en chimie
Le soir de l’événement, il y avait une grande cohésion d’équipe
Doctorante de deuxième année en chimie moléculaire, Rebecca Churamani vient de remporter le prix du jury lors de la finale de l’édition régionale de Ma thèse en 180 secondes (MT180). Son sujet : protéger et envelopper l’ARN messager avec des sucres pour lutter contre des virus. Rencontre.
Pourriez-vous nous retracer votre parcours en quelques mots ?
Rebecca Churamani : Après mon bac S, j’ai fait deux ans de classe préparatoire aux grandes écoles. J’ai décidé de ne pas poursuivre pour faire une licence de chimie puis, j’ai intégré l’école d’ingénieur Chimie ParisTech. En parallèle, j’ai fait un master 2 en chimie moléculaire à Sorbonne Université. Enfin, j’ai commencé une thèse avec le dispositif CIFRE en avril 2021.
Pourquoi avoir participé au concours Ma thèse en 180 secondes ?
R.C. : J’ai toujours beaucoup aimé la vulgarisation scientifique. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de participer plusieurs fois à la Fête de la Science et j’ai aussi fait partie d’une association avec laquelle j’allais dans les collèges pour expliquer ce qu’est la chimie aux jeunes et leur faire faire des expériences dans le but de déclencher des passions.
J’ai voulu participer à ce concours, car je trouvais aussi intéressant de devoir résumer trois ans de travail en trois minutes, ça me paraissait un défi amusant. En plus, un de mes amis l’avait fait il y a deux ans et j’avais trouvé ça super !
Comment avez-vous vécu cette expérience ?
R.C. : C’était exceptionnel, j’ai adoré ! Que ce soit au niveau du coaching, des entraînements, du groupe… Tout s’est déroulé dans une ambiance bienveillante. C'était également l’occasion de rencontrer des personnes que je n’aurais jamais côtoyées sans le concours, venant de tous horizons : des physiciens, des biologistes, des musiciens…
Le soir de l’événement, il y avait une grande cohésion d’équipe, on s’est beaucoup entraidé. Il n’y avait pas du tout d’esprit de compétition.
Pouvez-vous nous expliquer, en moins de trois minutes, le sujet de votre thèse ?
R.C. : Je m’intéresse à la technologie autour des vaccins à ARN messager. Actuellement, l’ARN est enveloppé dans une bulle de graisse pour qu’il arrive dans les cellules de notre corps sans être dégradé par les enzymes de notre organisme. Mais, cette bulle est instable à température ambiante. C’est pour cela qu’on conserve les vaccins à des températures très basses, jusqu’à - 90 °C. Cela pose évidemment des problèmes de transport et de stockage.
Ce que j’essaie de faire, c’est de changer cette bulle qui enveloppe l’ARN pour que ce soit plus stable à température ambiante. À cette fin, j’utilise des sucres spéciaux, naturels, pas chers, non toxiques pour l’organisme - les cyclodextrines - qui ont la forme d’un abat-jour. Ils disposent d’une cavité qui permet d’encapsuler des molécules hydrophobes. Je me sers de cette propriété-là : j’arrive à enfiler ces sucres comme des LEGO® qui vont entourer l’ARN messager et le protéger à son tour, et tout ça à température ambiante. De cette façon, l’ARN pourra entrer dans les cellules et permettre la fabrication d’anticorps pour lutter contre de nouveaux virus.
Trois minutes pour résumer une thèse entière, cela semble court… Est-ce difficile de parler de ses travaux de thèse à un public néophyte ?
R.C. : Au début, ça l’était, car il a fallu expliquer mon sujet de thèse qui est très scientifique, sans que ce soit trop poussé et pour qu’il soit compréhensible du grand public. On a fait plein de formations différentes comme du storytelling pour raconter notre thèse et la vulgariser comme une histoire avec un personnage principal, une intrigue et une chute.
Une fois que le texte a été bien travaillé, j'ai trouvé ça plus facile et j’ai eu de bons retours des personnes à qui je l’ai présenté et qui m’ont dit avoir compris ce que je faisais.
Comment avez-vous été préparée à ce concours ?
R.C. : Cela demande du travail ! Outre les séances de formation et d’entraînements qui ont été mises en place, j’ai beaucoup répété seule devant mon miroir, mais aussi devant ma famille, des amis et mes collègues du labo, l’équipe GOBS de l’Institut parisien de chimie moléculaire, qui m’a beaucoup soutenue. J’avais des retours positifs et d’autres moins, ce qui m’a permis d’améliorer mon discours. Même si MT180 prend un certain temps de préparation et de travail, cela vaut le coup !
Quelles ont été les principales difficultés à surmonter ?
R.C. : Sans aucun doute, la gestion du stress ! J’étais très nerveuse quelques jours avant. C’est quand même un grand événement, on est devant un public, on a invité ses amis, sa famille, et on est filmés. Et il y a cette appréhension de se dire « ça se trouve, je vais rater ».
Il fallait que je me fasse confiance pour que ça se passe aussi bien qu’en répétition.
Que vous a appris la participation à cette compétition ?
R.C. : Cela m’a appris à parler en public, à paraître à l'aise sur scène. Participer à MT180 va aussi m’être utile dans ma vie professionnelle. En tant que scientifique, on intervient souvent dans des congrès. Il faut être à l’aise pour savoir expliquer clairement ses travaux de recherche.
Comment appréhendez-vous la prochaine étape du concours au niveau national ?
R.C. : Je ne vais pas vous mentir, j’appréhende un peu, car c’est le niveau au-dessus. Déjà, il y a plus de candidats et cela dure plus longtemps, sur deux ou trois jours. Ça va être un grand moment de vulgarisation scientifique et de stress ! Mais pour l’instant, ça va, j’ai encore un peu de temps, c’est dans une semaine. Le stress n’est pas encore monté…
J’ai prévu d’apporter quelques modifications à mon discours. Il faudra que je m’entraîne pour avoir le nouveau speech en tête. Honnêtement, je prends cette nouvelle étape du concours comme du bonus !
Selon vous, quels peuvent être les effets de ce concours sur l’image des doctorants et de la recherche ?
R.C. : Je pense que c’est un excellent moyen de montrer à quel point les sujets de thèse peuvent être variés. Personnellement, j’ai appris énormément de choses, j’ai rencontré des candidats en thèse de cryptographie, de musicologie…
Ce concours permet aussi d’apprendre sur ce qu'est la recherche en général, qu’il n’y a pas que les sciences dures. Il permet de montrer que la recherche est très active, que les jeunes sont impliqués.